Économie

France: le manque de compétences coûte 140 milliards d'euros par an

30.09.2022 08h17

France: le manque de compétences coûte 140 milliards d'euros par an

Selon une étude, la productivité française souffre d'une insuffisance de compétences en mathématiques et sur le plan socio-comportemental. (archives)

Photo: KEYSTONE/EPA/ETIENNE LAURENT

La croissance de la productivité ralentit plus vite en France qu'en Allemagne et aux Etats-Unis: ce décrochage coûte 140 milliards d'euros (134 milliards de francs) par an, selon une étude publiée jeudi par le Conseil d'analyse économique (CAE).

La raison principale en est une insuffisance de compétences en mathématiques et sur le plan socio-comportemental, c'est-à-dire la capacité à travailler en équipe, à s'organiser et à s'adapter.

Ce décrochage 'est un problème économique important' dont on parle peu, tandis que 'les compétences et l'orientation des talents vers les filières qui contribuent à la productivité sont un levier central' pour combler ce retard, a expliqué lors d'une présentation à la presse l'économiste Xavier Jaravel, co-auteur de la note.

Par rapport à l'Allemagne, l'écart de productivité s'est soldé par un écart de quatre points de PIB en 15 ans, tandis que les Etats-Unis, qui partaient d'un niveau plus faible que la France, ont gagné six points par rapport à l'hexagone sur la même période, détaille la note du CAE, un organisme rattaché à Matignon chargé d'éclairer le gouvernement sur sa politique économique.

Dans les années 2000, l'Allemagne s'était donné les moyens de combler son propre retard à la suite du 'choc PISA' qui avait vu décrocher la première puissance économique européenne dans les classements internationaux de compétences scolaires.

Faire un effort analogue en France conduirait à une 'hausse de la croissance annuelle par habitant d'environ 0,2 point', ce qui permettrait de gagner trois points de PIB, soit 75 milliards d'euros par an au bout de 15 ans, ont calculé les auteurs de la note.

Favoriser l'innovation

Centrer l'effort autour des mathématiques et du savoir-être socio-comportemental, appelé soft skills en anglais, est nécessaire dans la mesure où les emplois faisant appel à ces compétences sont de plus en plus nombreux, tandis que la part de ceux qui ne les réclament pas baisse.

Selon les chercheurs qui citent plusieurs travaux sur le sujet, on assiste à 'une dégradation continue du niveau moyen des jeunes Français en mathématiques depuis 30 ans, aussi bien parmi les meilleurs élèves que parmi les moins bons'.

Pour y remédier, ils préconisent de fixer des 'objectifs ambitieux' en maths, les exemples allemand et aussi portugais montrant 'qu'il est possible de faire des progrès importants en seulement un quinquennat'.

Ils recommandent par ailleurs la mise en place d'un 'système d'évaluation régulière des compétences socio-comportementales', aujourd'hui inexistant.

'En France, la formation et la culture générale à l'école ne permettent pas le développement de ces compétences', selon Maria Guadalupe, co-autrice de la note.

Le deuxième levier pour combler le retard français est d'offrir un meilleur accès aux carrières de l'innovation, qui sont aujourd'hui en grande partie l'apanage des hommes de milieux favorisés issus d'un nombre limité de territoires.

Ouvrir davantage ces carrières aux femmes, aux jeunes de milieux moins favorisés et venus de territoires plus nombreux aurait 'le potentiel d'augmenter la croissance économique de l'ordre de 0,2 point', c'est-à-dire là aussi d'augmenter le PIB de 75 milliards au bout de 15 ans.

Les chercheurs proposent pour y arriver la création d'une 'stratégie nationale d'innovation par tous' pour sensibiliser les jeunes aux carrières de l'innovation et de la science, dotée d'un budget de 100 millions d'euros.

La note veut enfin réorienter le crédit impôt recherche (CIR), qui bénéficie aujourd'hui 'de manière disproportionnée aux grandes entreprises', alors que ce sont les PME qui sont 'les plus innovantes'. A budget constant, le taux de subvention passerait de 30% à 42% et le dispositif serait plafonné à 20 millions, préconisent les économistes.

/ATS