Genève

À Genève, la loi protège 216 fonctionnaires surpayés pour leur poste

18.01.2024 17h27 Denis Palma, Jérémy Seydoux

SCHWEIZ RATHAUS GEN Hôtel de Ville de Genève, siège du gouvernement cantonal et de l'administration publique. (KEYSTONE/Salvatore Di Nolfi)

Des centaines de fonctionnaires perçoivent un salaire supérieur à ce que prévoit leur cahier des charges. Il s’agit principalement de cadres rétrogradés pour différentes raisons, mais dont la loi protège les rémunérations. Ces chiffres inédits, que Léman Bleu a pu se procurer, relancent le débat autour des placards dorés de l’État. 

À Genève, 216 fonctionnaires sont surpayés. Leur rémunération se situe dans une classe salariale supérieure à ce que prévoit leur fonction. Ces chiffres, fournis sur demande de la commission des finances du Grand Conseil dont Léman Bleu a obtenu une copie, constituent une photographie de l’état de la situation à fin 2022, soit durant la précédente législature.

Comment ces cas sont-ils répartis au sein de l’administration? Sur la première place du podium, on retrouve le département des infrastructures, aujourd’hui sous la tutelle de Pierre Maudet. 58 fonctionnaires sont concernés par cette situation. Deuxième, le département de l’instruction publique d’Anne Hiltpold, avec 48 cas. Une statistique à relativiser: 20 de ces postes concernent les maîtres d’éducation sexuelle ayant changé de statut et ayant gardé la même rémunération. Toujours sur le podium de tête, l’ancien département de la sécurité et de la santé, aujourd’hui réparti entre Carole-Anne Kast et Pierre Maudet, avec 43 fonctionnaires. 

Plus bas, nous retrouvons 33 fonctionnaires concernés au sein du département des finances de Nathalie Fontanet. 10 cas concernent aussi le Pouvoir judiciaire. Le département de l’économie et de l’emploi de Delphine Bachmann (8), celui du territoire d’Antonio Hodgers (7), de la cohésion sociale de Thierry Apothéloz (5) et la Chancellerie (4) ferment la marche. 

Hausse de 22% en 2022

Rien qu’entre 2021 et 2022, le nombre de fonctionnaires surpayés est passé de 168 à 216, soit un bond de 22%. Dans l’ordre, le DIP (+27), les finances (+9), la sécurité et la santé (+7), la cohésion sociale (+2), puis l’économie et l’emploi, les infrastructures et la Chancellerie (+1 chacun). 

Comment l’expliquer? Deux cas de figure constituent l’écrasante majorité des cas, nous explique le département des finances. Un fonctionnaire occupe une fonction de cadre, mais pour différentes raisons, est rétrogradé ou déplacé à un autre poste, sans que son salaire ne soit affecté. Deuxième exemple, un fonctionnaire est déplacé à sa demande. Dans ce cas, il postule pour un autre poste moins bien payé, mais continue de toucher le salaire de sa fonction précédente. 

Conforme à la loi

Ce qui s’apparente à un privilège est en réalité inscrit dans la loi, soit à l’article 12 de la loi sur le personnel de l’État (LPAC). Seule concession, l’annuité du fonctionnaire déplacé est momentanément gelée, jusqu’à retrouver le niveau de son ancien salaire. 

Le député PLR Yvan Zweifel dénonce des placards dorés: «Au lieu de licencier des fonctionnaires qui dysfonctionnent, on les déplace dans un poste subalterne avec le même salaire. Si les raisons de leur mutation sont différentes, on se retrouve quand même avec des gens trop payés pour ce qu’ils font. On se demande d’ailleurs s’ils font quelque chose, ce qui serait pire. Cela a un nom: les placards dorés. Cela doit être supprimé.»

De son côté, le député socialiste Romain De Sainte Marie, estime que l’État doit protéger tous les fonctionnaires, y compris les haut cadres: «Il est primordial d'avoir une sécurité pour ces hauts fonctionnaires, en lien direct avec les magistrats, et qui, en cas de changement politique, doivent pouvoir rester en fonction. S’il y a une incomptabilité avec le magistrat élu, cette protection doit être garantie avec la possibilité pour ce haut fonctionnaire d’accéder à un autre poste.»

La valse des haut cadres de l’État

Ces dernières années, l’actualité s’est montrée riche en exemples. Autant de très haut cadres, rémunérés jusqu’à 230'000 francs par an, mutés à des fonctions inférieures sans changement de salaire. Ainsi, en janvier 2021, à la suite de tensions internes, le directeur général de la culture et du sport est recasé au secrétariat général du département et chargé de «dossiers transversaux». En 2023, au même endroit et pour les mêmes raisons, la secrétaire générale, plus haut cadre du département, est déplacée chez Antonio Hodgers à un poste inférieur et sans équipes.

Août 2022, le collaborateur personnel de Serge Dal Busco est fonctionnarisé à sa demande au sein du secrétariat général (MISE À JOUR 19.01: Ce dernier nous précise toutefois que son nouveau poste correspond à la même classe salariale que le précédent, soit la classe 27. Son cas ne correspond pas stricto sensu à la définition des fonctionnaires surpayés).

En janvier 2023, l’ancien secrétaire général de Fabienne Fischer est rétrogradé chargé de mission au sein du département de la sécurité. 

2024 démarre fort

Enfin, ces derniers jours, on annonce la mutation de Jean-Christophe Bretton, le secrétaire général du département de Pierre Maudet. Il rejoindra à sa demande le département des finances comme chargé de mission, trois ans avant sa retraite. Sans parler d’Adrien Bron, directeur général de la santé, dont la mutation est aussi en discussion.

Quelle est la situation en 2023, avec la nouvelle répartition des départements et l’installation de la nouvelle équipe gouvernementale? Le département des finances n’a pas souhaité nous fournir ces chiffres.