Genève

14 mois de prison avec sursis requis pour Maudet

17.02.2021 19h13 Rédaction

image

Le conseiller d’État fait face au tribunal depuis ce lundi 15 février. Pour le troisième jour du procès, la femme de l’élu était entendue et le procureur a prononcé son réquisitoire.

Lorsque Catherine Maudet, liée à son mari depuis ses 20 ans, pénètre dans le tribunal, tout le monde s’arrête de respirer. Le moment est intimidant pour cette bibliothécaire discrète, peu tournée vers les mondanités, invitée d’ailleurs par son mari à ne pas s’afficher publiquement. « Il veut garder une part de lui sur laquelle la politique, très dure, n’a aucune prise. »

Elle répond sans filtre, mais reste sobre et ne cède pas à l’émotion, malgré l’impudeur de certaines questions de Me Yael Hayat. 

L’assistance se plonge alors dans l’intimité du couple. Pierre Maudet est un mari peu présent. « Il rentre tard le soir, les seuls moments de famille que nous avons c’est tôt le matin pour le petit déjeuner et parfois le week-end ». « le seul moyen d’avoir Pierre pour nous, c’est de quitter Genève » Et encore, même lors d’escapades en amoureux, le conseiller d’État en profite pour rencontrer le maire de la région visitée. Pierre Maudet, toujours en fonction, dédié à Genève. 

Catherine Maudet embraie sur le rapport à l’argent de son mari. Il n’a rien contre le luxe, mais rien pour non plus. Elle se dit enfin très affectée par les trois années de procédure pénale. À la fin de l’audition, Catherine Maudet se tourne vers son mari. Ils s’embrassent amoureusement à travers leur masque. Un dernier baiser avant la foudre du premier procureur. Le drame est à son comble. 

Un réquisitoire impitoyable, le réveil du ministère public. 

Le premier procureur, vêtu de noir, d’une voix haute, presque aiguë, à l’accent genevois marqué, se place en défenseur acharné de la probité de la République. «Pierre Maudet s’est cru au-dessus des lois » clame-t-il. Et de rappeler les entraves à la Justice commises par le ministre: mensonge, destruction de preuves, une collaboration exécrable durant toute la procédure. 

Sur le fond, il souligne que ce cadeau, ce voyage, a clairement été organisé et offert à Pierre Maudet en lien avec sa fonction. Était-ce donc un voyage officiel honorable pour Genève? Non, balaie le premier procureur. « L’honneur dans cette salle, ce n’est pas de voyager au soleil sur un transat. C’étaient des vacances! » dont la valeur explose toutes les limites fixées en terme de cadeaux pour un agent de l’État. Et de rappeler qu’à aucun moment, la présence d’amis, de sa famille au complet, n’étaient des conditions fixées par les Émirats Arabes Unis. 

Pierre Maudet et ses acolytes ont sciemment décidé de courir le risque d’être redevables en se laissant pareillement inviter. Voilà l’infraction pénale. Tout au long de son réquisitoire qui a duré 2 heures et quart, le premier procureur, méthodique, tel un serpent qui lentement étouffe sa proie, décrit ce qu’il nomme des noces barbares, du copinage, une administration qui n’est pas la même pour tous, qui favorise certains.

Car l’un des autres problèmes soulevé par le parquet, ce sont des sollicitations, des facilités, des secrets transmis. Bref, un échange continu de service qui s’est intensifié entre les protagonistes après le voyage. Des relations alimentées par cette huile versée dans les rouages, ces cadeaux qui rendent redevables, comme le financement, en 2017, par Antoine Daher et Magid Khoury, d’un sondage politique en faveur de Pierre Maudet. 

Pour toutes ces raisons, Stéphane Grodecki requiert 14 mois de prison avec sursis à l’encontre de Pierre Maudet et le paiement d’une créance compensatoire de 84’000 francs pour l’État de Genève. Demain, la Défense plaidera l’acquittement de Pierre Maudet. 4 heures et demie de plaidoiries très attendues pour le dernier jour de ce procès Maudet, historique et surréaliste, en pleine pandémie et en pleine campagne électorale.