Genève

Genève autorise à nouveau la prostitution

20.01.2021 18h16 Rédaction

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Voilà maintenant plusieurs mois que la porte du Venusia est close. Pour la gérante de ce salon érotique, la réautorisation de la prostitution à Genève était vitale. «Physiquement, psychologiquement, c’est devenu très difficile. Economiquement aussi. Beaucoup plus pour les filles qui travaillent avec nous, car nous avons la chance que ce ne soit pas notre seul revenu, mais pour bon nombre de filles qui travaillent avec nous, c’est leur seul revenu», regrette Lisa.

Pas d’ouverture la nuit

Une situation d’autant plus compliquée que jusqu’à maintenant, entre la France voisine Vaud et Genève, seul le canton du bout du lac avait prononcé cette interdiction. «Toutes celles qui n’ont pas les moyens de bouger travaillent de manière illicite sur Genève», reconnait Lisa non sans regret.

Si le conseil d’Etat a enlevé une épine au pied des acteurs du milieu en la réautorisant, reste que la prostitution est limitée à des normes fédérales strictes. Soit interdite entre 19h et 6h du matin. Cette mesure est-elle tenable? Pour Thierry Schmidely, gérant d’un salon érotique à Lausanne, déjà soumis à cette règle depuis janvier, la situation est compliquée. «Aujourd’hui les bureaux, les chantiers, etc. sont ouverts. Donc, ces gens travaillent pendant ces heures, ça devient compliqué. Eux, ils ont l’habitude de venir après leur travail, forcément.»

Moins stricte sur le port du masque que sur le traçage

Le port du masque lui est obligatoire lors des déplacements et dans les lieux communs, mais pas durant les prestations. Autre mesure le traçage des clients… Une norme compliquée dans un milieu où l’anonymat fait souvent foi. Alors au Venusia, on a déjà pris les devants.

«Nous avons eu le temps et assez de recul pour prendre nos dispositions.  On a eu la chance de trouver un programme qui nous permet de le faire de façon totalement anonyme avec seul le service de la médecin cantonale qui y aura accès en cas de problème et personne d’autres», explique Lisa.  

Une explosion de la pratique en ligne

Dans ces bureaux d’un site de promotion des annonces érotiques à Plan-les-Ouates, l’adaptation s’est faite avant la réautorisation. Ici, les prestations proposées sont passées au virtuel. «Et ça a été une explosion incroyable depuis le premier confinement. Ce type de demandes a connu une multiplication par quatre, tout simplement», explique Bradley Charvet, le créateur du site fgirl.ch.

Mais pour les professionnels du sexe, rien ne peut remplacer le contact physique. «Il y a un gros manque, une bonne partie de la population a besoin de nos services, ce n’est pas qu’un service sexuel, ça fait partie de plein de choses. On est pour ainsi dire d’utilité publique.»

Avec la réautorisation de la prostitution, Genève rejoint la majorité des cantons romands.   

Lea Job 

Une nouvelle qui réjouit Isabelle Boillat, coordinatrice de l’association Aspasie. «C’est une inégalité qui est abolie. Le travail du sexe était le seul service à la personne interdit depuis deux mois et demi.» Elle rappelle que la prostitution ne disparaît pas, même lorsqu’elle est interdite, et que les contraintes économiques poussent certaines personnes à travailler dans l’illégalité. Mais si la précarité des travailleurs et travailleuses du sexe augmente, Isabelle Boillat affirme que certaines personnes ont toutefois renoncé à pratiquer leur activité, de peur de tomber malade. 

Restos fermés mais prostitution autorisée

À cette critique que l’on énonce face à une situation qui peut sembler absurde, Isabelle Boillat rappelle que la prostitution n’est autorisée qu’entre 6h et 19h. «On sait que c’est une activité qui se pratique plutôt de nuit. Beaucoup de personnes, au Boulevard Helvétique notamment, ne vont pas travailler autant que dans une situation normale. La précarisation ne va donc pas cesser du jour au lendemain», conclut la coordinatrice de l’association Aspasie. 

 

Léa Frischknecht