Genève

Plaintes pour dénonciation calomnieuse en hausse, pas les chances d’aboutir

07.07.2020 18h11 Rédaction

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Le jeudi 10 janvier 2019, Farah* s’en rappellera toute sa vie. Apprenti peintre en bâtiment, il est arrêté par la police sur son lieu de travail. Accusé de viol, il passe deux semaines à Champ-Dollon. «J’ai beaucoup pleuré. Je ne dormais pas, je pensais tout le temps à ce qui allait m’arriver», raconte aujourd’hui le jeune homme.

«Dans ma tête à vie»

Quelques mois plus tard, la plainte pour viol est classée par le Ministère public. Farah reçoit une indemnité de 2’800 francs pour détention injustifiée, et un peu moins de 1’000 francs pour la perte de son salaire. Mais cette période a laissé des séquelles: «Maintenant, ça va rester dans ma tête à vie, c’est quelque chose que je ne pourrai pas supprimer», raconte Farah en pleurs.

Face à ce qu’il considère comme une injustice, il décide de se battre, et porte plainte à son tour, pour dénonciation calomnieuse. Mais par deux fois, la justice classe cette plainte.

Plaintes en forte hausse

L’histoire de Farah n’est pas rare. Depuis 2011, les plaintes pour dénonciation calomnieuse sont en forte hausse, plus de 230% d’augmentation. Pour Me Yaël Hayat, spécialiste des questions pénales, le mouvement MeToo peut en être une cause. «Il y a un mouvement libératoire, qui se décline autour de ce mouvement. Mais en même temps que la parole est libérée, cela peut être aussi une parole qui enferme. Et par mimétisme, on pourrait avoir la tentation de se livrer à de fausses accusations, ce qui est extrêmement grave.»

Difficile à prouver

Nous aurions souhaité connaître la proportion d’hommes parmi les plaignants, et l’objet de la dénonciation calomnieuse. Des informations que le Pouvoir judiciaire a refusé de nous communiquer.  Mais une chose est sûre, si le nombre de plaintes augmente, leur chance d’aboutir reste maigre, entre 10 et 20% selon les années.
Souvent, par manque de preuve, explique Yaël Hayat. «Dans le cadre d’un homicide, il y a un corps, des médecins légistes, des rapports. Les preuves sont souvent immédiates. Ici, le corpus, ce sont des mots, des mots coupables».

Pour l’avocate, la justice manque aussi parfois d’assiduité: «Très souvent, on observe un traitement en repli, comme si c’était un crime de seconde catégorie. Or il est vraiment au premier rang.»

*prénom d’emprunt

Valentin Emery