Genève

Voyage chez Shirazeh Houshiary

29.07.2016 10h33 Rédaction

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Apparentée dans les années 80 au groupe londonien des New British Sculptors aux côtés notamment d’Anish Kapoor et Richard Deacon, l’artiste iranienne Shirazeh Houshiary a depuis développé une esthétique minutieuse et envoûtante aux accents métaphysiques. En plus de la sculpture, l’artiste recourt au dessin, à la peinture ainsi qu’à l’art vidéo, afin de rendre sur la toile et sur écran la tension qui caractérise l’ensemble de son œuvre. Une expérience visuelle et sensorielle intense à découvrir dans le cadre intimiste d’Espace Muraille, niché dans les anciens remparts de la Vieille-Ville.

Une exposition sous tension

Choisi par Houshiary et emprunté au poète William Blake, le titre de l’exposition Les grains tourbillonnent et les ondulations se déplacent est évocateur de la fascination de l’artiste pour la physique quantique et de son désir d’explorer l’équilibre fragile de l’univers. Ce monde infini captive tant par ses plus imperceptibles éléments – les grains synonymes de création, que par ses inévitables transformations – les ondulations vectrices de renouvellement. Une agitation qui se décèle déjà dans les titres que l’artiste donne à ses œuvres – Breach (Brèche), Origin (Origine), Drift (Force), A Deluge (Un Déluge), Surge (Déferlement). Houshiary matérialise merveilleusement ces énergies sur la toile en puisant dans ses deux héritages – l’oriental qui l’a vue naître et grandir jusqu’à l’adolescence, puis l’occidental qui l’a formée et consacrée en tant qu’artiste. En résulte un style reconnaissable par des motifs récurrents empruntés à l’iconographie chrétienne, ainsi qu’à l’écriture arabe. De ces séquences répétitives émerge un sentiment de méditation.

Le voile, une fenêtre sur le monde

Le voile constitue un élément clé de l’œuvre de Houshiary. Comme dans la peinture de Sainte Véronique de Francisco de Zurbarán où l’image du Christ se fond dans le voile pour ne faire qu’un, l’artiste superpose sur la toile différentes couches qui s’unissent grâce à un subtil jeu de transparence. Pensé comme une représentation métaphorique de l’enveloppe corporelle, le voile est une membrane perméable qui laisse deviner ce qui se trouve de chaque côté et qui est subtilement rapporté dans les animations digitales Veil (2005) et Shroud (2007).

La texture du langage

Cachée sous le voile, la structure infiniment dense de l’univers, que l’artiste réalise en entremêlant à répétition deux mots en calligraphie arabe dont la signification s’oppose – I am / I am not ; I exist / I do not exist ; I inhale / I exhale. Tissés et confinés par la maille du voile, les mots sont rendus volontairement illisibles afin que la texture qui en résulte prenne le pas sur leur signification et crée un espace dans l’espace de la toile. Sans repères textuels, le spectateur doit alors faire appel à ses sens pour rentrer dans le monde multidimensionnel dépeint par Houshiary.

Un monde en constante mutation

Si au départ le voile et le tissage calligraphique participent à formaliser l’espace de la toile, Houshiary utilise la couleur pour mettre en évidence la fragilité de cette structure. L’application des couleurs agit comme un souffle qui, semblable à un tourbillon, se mêle aux couches inférieures de la toile et les transperce pour rappeler la nature d’un monde en perpétuel mouvement. Une invitation à la contemplation sensorielle et la méditation spirituelle.

Lucia von Gunten / Go Out

Shirazeh Houshiary
The Grains Whirl and the Ripples Shift
Espace Muraille
5 Place des Casemates
Jusqu’au 17 septembre 2016
www.espacemuraille.com