Genève

La demande d'interruption de peine d'Erwin Sperisen est acceptée

28.09.2023 16h21 Denis Palma

Sperisen

Erwin Sperisen voit enfin le bout du tunnel. Après avoir passé 11 ans derrière les barreaux, l’ancien chef de la police guatémaltèque pourrait sortir de prison lundi prochain, a annoncé le Tribunal d’application des peines et mesures à l’issue d’une audience publique. Le ministère public peut encore s’opposer à cette décision.

Les juges ont retenu, sur la base d’une jurisprudence zurichoise, qu’un « vice de procédure important » peut constituer un motif de libération conditionnelle extraordinaire, donc avant d’avoir atteint les 2/3 de sa peine. Ce vice de procédure, c’est bien évidemment l’arrêt de la Cour européenne des droits de l’homme (CEDH) qui a condamné la justice suisse pour ne pas avoir garanti à Erwin Sperisen un procès impartial. L’arrêt a pesé de tout son poids dans la décision du Tribunal. Car même si les faits reprochés à l’ancien chef de la police guatémaltèque sont graves, le Tapem a rappelé le principe de proportionnalité: en clair, il ne lui reste que 4 mois de détention avant une libération conditionnelle ordinaire en février prochain. Erwin Sperisen devrait être libéré lundi à 15h à trois conditions: ne pas approcher les parties plaignantes – ne pas quitter la Suisse – et remettre ses passeports suisses et guatémaltèques. Le conditionnel reste d’usage car le premier procureur Yves Bertossa peut encore recourir contre cette décision. 

«11 ans passés en prison sans procès équitable, c’est de la séquestration»

La stratégie de la défense de la défense visait à taper aussi fort que possible sur la justice suisse à grand coup de marteau incarné par le récent arrêt de la Cour européenne des droits de l’homme. «11 ans passés en prison sans procès équitable, c’est de la séquestration», a scandé Me Giorgio Campa avec tout le côté théâtral que l’on connaît à l’avocat, bien incité il est vrai par la présence de nombreux journalistes dans le prétoire. «La CEDH, clame-t-il, c’est la garantie ultime en matière de respect des droits fondamentaux dont celui d’avoir un procès équitable. L’heure est venue pour vous, lâche-t-il droit dans les yeux du président, d’assumer vos responsabilités. Vous avez le pouvoir de rétablir une situation conforme au droit ». Directement derrière, l’autre avocat du détenu, Florian Baer en a rajouté une couche en enchaînant une citation sur le respect des droits de l’homme. « Nous sommes dans un cas d’urgence. L’immédiateté c’est sa libération », dit-il.

«Nous ne sommes pas sur Fox News »

Le premier procureur Yves Bertossa a quant à lui fustigé un prétoire transformé en plateau de télé. « Nous ne sommes pas sur Fox News », lance-t-il aux avocats de Sperisen qui avait précédemment comparé la Suisse à la Russie, voir à la Corée du Nord. Pour lui, l’arrêt de la CEDH ne remet pas en cause les motifs de sa condamnation. Yves Bertossa avait pourtant dégoupillé une petite bombe lors de l’audience : selon lui l’arrêt de la CEDH, serait faux! «Les juges européens ont fait une erreur de lecture en prêtant des propos à la présidente de la cour de justice qu’elle n’a jamais tenus», a fustigé le magistrat. La CEDH mélange tout ! Mais visiblement il n’a pas été entendu.

Cette demande de libération anticipée reste indépendante du fond de l’affaire. On attend un positionnement du Tribunal fédéral sur l’arrêt de la CEDH. Erwin Sperisen a été condamné à 15 ans de prison pour avoir été co-auteur d’assassinats de détenus du centre pénitencier de Pavon au Guatemala en 2006.