Économie

Malgré un pétrole à 60 dollars, l'Opep+ veut encore lâcher du lest

26.05.2025 07h06

Malgré un pétrole à 60 dollars, l'Opep+ veut encore lâcher du lest

Poids lourd du cartel, l'Arabie saoudite entend mettre la pression sur les membres de l'Opep+ ne respectant pas les quotas édictés par l'organisation. (archive)

Photo: KEYSTONE/AP/HASAN JAMALI

Un baril de pétrole à 60 dollars et l'Opep+ qui pourrait malgré tout continuer à ouvrir les vannes cette semaine: ce scénario, encore impensable il y a quelques mois, a été précipité par l'arrivée au pouvoir de Donald Trump.

Mais il s'explique aussi par la volonté de l'Arabie saoudite, pilier du cartel, de faire pression sur les membres tricheurs ne respectant pas les quotas.

Deux rendez-vous attendent le groupe: les 22 pays se réunissent mercredi virtuellement pour discuter de leur stratégie commune, puis dimanche se retrouvent ceux qui, parmi eux, ont procédé aux coupes les plus importantes ces dernières années pour tenter de doper les cours.

'Le plus intéressant' concerne justement l'annonce attendue le 1er juin concernant la production de ces huit pays pour le mois de juillet, plutôt que la rencontre des ministres de mercredi qui n'est 'pas un événement majeur', commente pour l'AFP Giovanni Staunovo, analyste d'UBS.

Avec à la clé, une possible nouvelle augmentation à hauteur de 411'000 barils par jour, contre 137'000 initialement prévus, pronostiquent les analystes.

De quoi plomber davantage encore des prix au plus bas depuis la sortie de la pandémie de Covid-19.

Désaccords internes

Début avril, Ryad, Moscou et les six autres membres ayant réduit leur production de 2,2 millions de barils par jour ont décidé d'accélérer le rythme de réintroduction sur le marché de ces volumes. Bien loin de la stratégie prudente annoncée en début d'année.

Un revirement étonnant car il va à l'encontre de la politique de raréfaction de l'offre que menait l'Organisation des pays exportateurs de pétrole et ses alliés (Opep+) depuis fin 2022, afin de lutter contre l'érosion des prix, en gardant une importante capacité inexploitée de production.

Officiellement, le groupe justifie son changement de cap par des 'fondamentaux de marché sains comme en témoignent les faibles réserves de pétrole' à travers le monde, mais cette explication est accueillie avec scepticisme par les observateurs au vu des inquiétudes sur la demande dans un contexte de guerre commerciale lancée par le président américain.

En ouvrant les vannes, l'Arabie saoudite, qui est le pays dont la voix compte le plus au sein du cartel, mettrait en fait la pression sur les membres dépassant leurs objectifs de production, en faisant fondre les profits.

Car derrière la transgression des quotas, il y a 'des personnes qui ont fait des investissements et veulent les monétiser', rappelle à l'AFP Lawrence Haar, professeur à l'université de Brighton.

Pour le Kazakhstan, principal contrevenant du groupe, 'l'augmentation de la production récente est liée au projet Tengiz', dont le premier opérateur est le groupe américain Chevron, précise Francis Perrin, directeur de recherche à l'Institut de relations internationales et stratégiques (Iris).

Regard vers les Etats-Unis

D'autres, comme l'Irak ou les Emirats arabes unis, ont aussi augmenté leurs capacités, mais Astana est particulièrement visé par Ryad, car malgré de nombreux rappels à l'ordre et l'injonction de compenser sa surproduction, le pays continue d'enfreindre les limites imposées.

Dans ces conditions, 'l'Arabie saoudite ne peut pas revenir sur ses menaces de punir les tricheurs sans perdre sa crédibilité, ce qui ne lui laisse pas le choix' que de continuer sur la lancée actuelle, jugent les analystes de DNB Carnegie.

Au-delà de ces dissensions internes, 'il est absolument impossible d'interpréter le changement de position de ces huit membres de l'Opep+ sans se référer aux pressions de Donald Trump' fin janvier, selon M. Perrin.

Le milliardaire, qui compte faire chuter les prix pour lutter contre l'inflation, avait alors déclaré qu'il allait 'demander à l'Arabie saoudite et à l'Opep de baisser le coût du pétrole'.

Durant sa récente tournée diplomatique dans les pays du Golfe, 'rien de tout cela n'a été mentionné', souligne Carole Nakhle, économiste au Surrey Energy Economics Centre, suggérant qu'il est 'satisfait des actions prises par l'Opep+'.

Pour ces raisons, et aussi pour gagner des parts de marché dans un contexte pétrolier tributaire des évolutions géopolitiques, comme l'issue des discussions sur le nucléaire iranien entre Téhéran et Washington, l'Opep+ pourrait de nouveau accélérer sa production.

Néanmoins, 'l'économie saoudienne dépend entièrement de la rente pétrolière', rappelle Mme Nakhle, et des prix trop bas seraient notamment un problème pour le financement de son programme de réformes Vision 2030.

/ATS