Les Suissesses doivent « sortir de leur zone de confort »
Pia Sundhage espère que ses joueuses sauront sortir de leur zone de confort à l'Euro
Photo: KEYSTONE/URS FLUEELERSélectionneuse de l'équipe de Suisse dames depuis un an et demi, Pia Sundhage (65 ans) va apporter toute son expérience à une formation qui s'apprête à vivre un grand moment avec un Euro à domicile.
Ses joueuses 'doivent sortir de leur zone de confort', espère la Suédoise, qui s'est longuement confiée à Keystone-ATS.
-En 1984, vous avez remporté avec la Suède le tout premier championnat d'Europe féminin. Lors de la finale retour contre l'Angleterre à Luton, environ 2500 fans étaient présents dans le stade lorsque vous avez transformé le penalty décisif. Le tournoi se déroule maintenant en Suisse. De nombreux matches se joueront à guichets fermés. Auriez-vous pensé il y a 40 ans que le football féminin se développerait ainsi ?
'Nous nous sommes toutes battues pour cela. Lorsque j'ai dit un jour, à l'âge de 13 ans, que je voulais devenir footballeuse professionnelle, on m'a répondu: +tu sais que tu es une fille?+ C'est pourquoi je me réjouis que nous en soyons aujourd'hui à un autre stade. A l'époque, nous devions nous entraîner à 21 heures, car le terrain était occupé avant. Aujourd'hui, de nombreuses joueuses peuvent être professionnelles et travailler chaque jour sur leurs capacités avec des coachs. Et la finale de 1984 n'aurait plus jamais lieu de la même manière. Le terrain était tellement difficilement praticable. Mais à l'époque, cela nous était égal, car nous étions tout simplement heureuses de pouvoir participer.'
- Lorsque vous avez rejoint l'ASF en tant que sélectionneuse au début de l'année 2024, les gros titres des journaux étaient assez importants. Le fait qu'une coach de votre renommée, qui a notamment entraîné les Etats-Unis, la Suède et le Brésil et qui a remporté deux médailles d'or olympiques, reprenne la petite Suisse a surpris beaucoup de monde...
'En tant que sélectionneuse nationale, tu as le privilège de pouvoir sélectionner les meilleures joueuses d'un pays. C'est vraiment cool. Le travail est certes le même partout, mais la culture et les attitudes des gens sont à chaque fois très différentes. Travailler dans différents pays et différentes cultures m'a rendue plus ouverte d'esprit et plus cosmopolite. Ce qui fonctionne aux Etats-Unis ne fonctionne pas forcément en Suède, et ce qui est compris en Chine pourrait ne susciter que des regards interrogateurs au Brésil. Je suis très reconnaissante de ces expériences'.
- Quelles sont les observations que vous avez faites en un an et demi en Suisse ?
'Au début, je pensais que la Suisse était semblable à la Suède. Maintenant, je peux dire qu'elle ne l'est pas' (rires).
- Pour quelle raison ?
'Laissez-moi vous donner un exemple: si vous voulez faire quelque chose en Suisse, il faut d'abord remplir trois documents. Ensuite, il y a deux réunions, et à la fin, peut-être encore une conférence téléphonique. Donc, entre l'idée et le moment où une décision est prise, c'est souvent un long processus. Quand j'étais au Brésil, je pensais que je devais être patient. En Suisse, c'est encore une autre étape. (rires) Mais c'est compréhensible, car le Suisse ou la Suissesse ne veut en aucun cas commettre une erreur.'
- Constatez-vous également ce trait de caractère sur le terrain ?
'Quand j'ai commencé en Suisse, j'ai essayé de trouver ce qui caractérisait les joueuses suisses, mais ce n'était pas si facile de compléter le transparent sur lequel j'avais écrit 'identité suisse' par des mots-clés appropriés.'
- En raison d'une caractéristique suisse répandue, la réserve ?
'Exactement. J'ai demandé aux joueuses ce qui les caractérisait physiquement, mentalement, techniquement, tactiquement, et il s'est avéré que les joueuses suisses sont bonnes dans tous les domaines, mais n'excellent dans aucun.'
- Et alors ?
'J'ai trouvé cela intéressant. Aux Etats-Unis, j'étais dans un environnement où toutes étaient convaincues d'être les meilleures et de vouloir en tirer le meilleur. Et si, à leurs yeux, elles n'étaient pas encore les meilleures du monde dans un domaine, elles continueraient jusqu'à ce qu'elles y parviennent. Et les Brésiliennes dansaient beaucoup et trouvaient toujours le moyen d'être joyeuses, quoi qu'il se passe sur le terrain. Les Suissesses sont beaucoup plus réservées et sobres.'
- Comment gérez-vous cela ?
'J'essaie de faire comprendre aux joueuses qu'elles doivent être à l'aise pour oser faire des choses, elles doivent sortir de leur zone de confort, faire des erreurs. La plus grande erreur que l'on puisse faire, c'est de ne pas essayer du tout. Dans le staff, nous avons des transparents sur lesquels on peut lire +essaie+, +encore deux pas+, ou +bats-toi+. Si les joueuses ne font jamais que ce qu'elles savent déjà bien faire, elles ne découvriront jamais à quel point elles sont fortes. Transmettre ce courage est probablement l'un des plus grands défis que je dois relever en tant que coach.'
/ATS