Économie

Turquie: tensions après un dessin qui représenterait Mahomet

01.07.2025 00h45

Turquie: tensions après un dessin qui représenterait Mahomet

La police anti-émeute turque a dû intervenir à Istanbul. (Photo d'illustration).

Photo: KEYSTONE/EPA/NECATI SAVAS

Des affrontements ont éclaté à Istanbul lundi, après des allégations selon lesquelles un magazine satirique a publié un dessin du prophète Mahomet, a indiqué un correspondant de l'AFP.

L'incident s'est produit après que le procureur général d'Istanbul a ordonné l'arrestation de rédacteurs du magazine Leman au motif qu'il avait publié un dessin qui 'dénigre ouvertement les valeurs religieuses'.

Le ministre de l'Intérieur Ali Yerlikaya a annoncé de son côté que la police avait arrêté le dessinateur, en publiant sur X des images de son arrestation dans une cage d'escalier.

'La personne nommée D.P. qui a fait ce dessin ignoble a été attrapée et placée en détention', a-t-il écrit, ajoutant: 'Ces individus sans vergogne devront répondre de leurs actes devant la justice'.

Le bureau du procureur général a annoncé avoir 'lancé une enquête sur la publication d'un dessin dans le numéro du 26 juin 2025 du magazine Leman qui dénigre ouvertement les valeurs religieuses, et des mandats d'arrêt ont été émis à l'encontre des personnes impliquées'.

Selon les médias, outre le dessinateur, les trois autres personnes visées par les mandats sont deux rédacteurs en chef et le directeur de la rédaction de Leman.

Une copie de l'image en noir et blanc publiée sur les médias sociaux montre deux personnages dans le ciel, au dessus d'une ville sous les bombardements.

'Salam aleykoum, je suis Mohammed', dit l'un en serrant la main de l'autre qui répond : 'Aleykoum salam, je suis Musa (Moïse)'.

Mais le rédacteur en chef du magazine, Tuncay Akgun, a assuré à l'AFP que l'image avait été mal interprétée. 'Ce dessin n'est en aucun cas une caricature du prophète Mahomet (Mohammed en arabe, ndlr). Dans cette oeuvre, c'est le nom d'un musulman qui a été tué lors des bombardements d'Israël, il a été appelé Mohammed, c'est une fiction. Plus de 200 millions de personnes dans le monde islamique s'appellent Mohammed', a-t-il déclaré.

'Cela n'a rien à voir avec le prophète Mahomet. Nous ne prendrions jamais un tel risque', a-t-il ajouté.

En soirée, plusieurs dizaines de manifestants en colère ont attaqué un bar souvent fréquenté par les employés du Leman dans le centre d'Istanbul, provoquant des échauffourées avec la police, a constaté un correspondant de l'AFP.

Les échauffourées ont rapidement dégénéré en affrontements impliquant entre 250 et 300 personnes, selon le correspondant.

'Pas de représentation du prophète'

Sur X, Leman a défendu le dessin et estimé qu'il avait été sciemment mal interprété.

'Le dessinateur a voulu montrer la droiture du peuple musulman opprimé en représentant un musulman tué par Israël, il n'a jamais eu l'intention de rabaisser les valeurs religieuses', a-t-il déclaré.

'Nous n'acceptons pas l'opprobre qui nous est imposé parce qu'il n'y a pas de représentation de notre Prophète. Il faut être très malveillant pour interpréter la caricature de cette manière', poursuit-il. 'Nous présentons nos excuses à nos lecteurs bien intentionnés qui, selon nous, ont été victimes de provocations'.

Le ministre de la Justice, Yilmaz Tunc, a annoncé l'ouverture d'une enquête pour 'insulte publique aux valeurs religieuses'.

'Le manque de respect envers nos croyances n'est jamais acceptable', a-t-il écrit sur X. 'La caricature ou toute autre forme de représentation visuelle de notre Prophète porte non seulement atteinte à nos valeurs religieuses, mais aussi à la paix sociale', a-t-il ajouté.

Le gouverneur d'Istanbul, Davut Gul, a également dénoncé 'cette mentalité qui cherche à provoquer la société en s'attaquant à nos valeurs sacrées'.

'Nous ne resterons pas silencieux face à tout acte ignoble visant la foi de notre nation', a-t-il averti.

Créé en 1991, Leman est le cible des conservateurs de longue date, en particulier à la suite de son soutien à l'hebdomadaire satirique Charlie Hebdo en France après l'attentat jihadiste dans ses bureaux parisiens en 2015, qui ont fait 12 morts.

L'attaque a eu lieu après la décision de Charlie Hebdo de publier à plusieurs reprises des caricatures du prophète Mahomet.

/ATS