Économie

Le bitcoin, monnaie légale: un casus juridique selon un expert genevois

07.09.2021 15h41 Philippe Verdier

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Le Salvador adopte la crypto-monnaie comme devise nationale. Cette décision constitue une évolution historique mais entraîne de nombreuses questions.

"Pour la première fois dans l'histoire, tous les yeux seront braqués sur le Salvador", a claironné lundi dans un tweet le président salvadorien Nayib Bukele, en annonçant dans la foulée que le pays avait acheté ses premiers 200 bitcoins.

Pour le chef de l'Etat et son gouvernement, le bitcoin permettra aux Salvadoriens d'économiser 400 millions de dollars de frais bancaires lors des envois d'argent par la diaspora, notamment installée aux Etats-Unis, qui représentent 22% du PIB du pays.

Plus des deux-tiers des 6,5 millions de Salvadoriens s'opposent cependant à la décision du très populaire président Bukele. Ils disent dans deux sondages distincts vouloir continuer à utiliser exclusivement le dollar américain, la monnaie légale du Salvador depuis 20 ans.

Un "Titanic"

Selon l'UCA, 65,2% de la population n'est pas intéressée par le téléchargement du porte-monnaie électronique "Chivo" ("Super", en langage familier) nécessaire pour effectuer des transactions de la vie quotidienne en bitcoins, malgré les 30 dollars de bienvenue offerts par le gouvernement.

Le Parlement salvadorien, dominé de manière écrasante par les partisans du président Bukele depuis les dernières élections législatives, a voté en juin la loi qui fera du bitcoin une monnaie ayant cours légal au Salvador et qui oblige à "accepter le bitcoin comme moyen de paiement". La valeur du bitcoin "sera établie librement par le marché", stipule la loi.

Des économistes, mais également la Banque Mondiale, le Fonds monétaire international (FMI) ou la Banque interaméricaine de développement (BID) ont exprimé leur scepticisme. Cette mesure aura "un impact négatif" sur les conditions de vie des Salvadoriens en raison de "la forte volatilité du taux de change" du bitcoin et aura un impact "sur les prix des biens et services", selon l'économiste de l'université du Salvador Oscar Cabrera.

Le bitcoin, c'est la promesse d'un "Titanic que personne ne gouverne", s'inquiète Oscar Cabrera, également ancien président de la banque centrale du Salvador. Le fait que la valeur de la crypto-monnaie soit déterminée "exclusivement par le marché" en fait une monnaie "hautement volatile", insiste la fondation salvadorienne pour le développement économique et social (Fusades).

Un casus juridique

Gabriel Jaccard, co-président de Regulatory Working Group et CEO de Arbiriti rend un avis mitigé. L’expert estime qu’il s’agit à la fois d’un pas formidable pour la communauté crypto en termes de reconnaissance et d’un véritable casus juridique. La rapidité de la décision salvadorienne interroge. Cette petite décision d’un état souverain interroge dans la mesure où cette monnaie ne présente pas d’équivalent historique. C’est la naissance d’un moyen de paiement international échappant aux garanties des banques centrales. Le bitcoin est sorti de son statut de moyen de paiement privé. Les organisations internationales restent prudentes sans se montrer sceptiques face à cette situation. ​​​​​​