International

Kaboul: l'exode dans la panique

16.08.2021 17h38 Rédaction

Kaboul aeroport

L'Afghanistan se trouve aux mains des talibans après l'effondrement des forces gouvernementales. Des milliers de personnes tentaient ce matin désespérément, dans un chaos total, de fuir le pays à l'aéroport de Kaboul.

La situation à l'aéroport, dont les pistes ont été envahies, a empiré au point que tous les vols, civils et militaires, ont dû être suspendus lundi après-midi, a annoncé le Pentagone.

Le fulgurant triomphe des insurgés avait déclenché des scènes de panique monstre. Une marée humaine s'est précipitée vers ce qui est la seule porte de sortie de l'Afghanistan, pour tenter d'échapper au nouveau régime que le mouvement islamiste, de retour au pouvoir après 20 ans de guerre, promet de mettre en place.

Des vidéos diffusées sur les réseaux sociaux montraient des scènes de totale anarchie, comme ces centaines de personnes courant près d'un avion de transport militaire américain qui roule pour aller se mettre en position de décollage, pendant que certaines tentent follement de s'accrocher à ses flancs ou à ses roues.

Deux morts

Après avoir tiré en l'air dimanche, les forces américaines ont ouvert le feu lundi, tuant deux hommes "qui ont brandi leurs armes d'un air menaçant", a déclaré à Washington un responsable du Pentagone. Cette foule désespérée n'est pas convaincue par les promesses des talibans selon lesquelles personne n'avait rien à craindre d'eux, a raconté à l'AFP un témoin.

Les compagnies internationales ont suspendu le survol de l'Afghanistan, à sa requête, pour laisser l'espace aérien aux militaires chargés des évacuations.

Calme à Kaboul

La capitale était en revanche plutôt calme. Les rues n'étaient pas aussi bondées que la veille, des talibans en armes y patrouillaient abondamment et y installaient des postes de contrôle.

Sur les comptes Twitter qui leur sont favorables, les talibans se vantaient d'avoir été chaleureusement accueillis à Kaboul ou encore du fait que des jeunes filles retournaient dès lundi à l'école, comme à l'accoutumée. Le désormais ex-président Ashraf Ghani a reconnu dimanche soir que les talibans avaient "gagné", après avoir fui son pays.

Discipline

Dans une vidéo postée sur les réseaux sociaux, le mollah Abdul Ghani Baradar, co-fondateur de ce mouvement islamiste, a appelé ses troupes à la discipline. "A présent, c'est le moment d'évaluer et de prouver, à présent nous devons montrer que nous pouvons servir notre nation et assurer la sécurité et le confort dans la vie", a-t-il affirmé.

La débâcle est totale pour les forces de sécurité afghanes, financées pendant vingt ans à coups de centaines de milliards de dollars par les États-Unis. En dix jours, le mouvement islamiste radical, qui avait déclenché une offensive en mai à la faveur du début du retrait des troupes étrangères, a pris le contrôle de quasiment tout l'Afghanistan.

Chine amicale

La Chine a été le premier pays à dire lundi vouloir entretenir des "relations amicales" avec les talibans. Le ministère russe des Affaires étrangères a estimé que "la situation en Afghanistan et en particulier à Kaboul se stabilisait. Les talibans procèdent au rétablissement de l'ordre public".

A contrario, le ministre britannique de la Défense, Ben Wallace, a jugé que ce n'était "pas le moment" de reconnaître le régime taliban. Il a aussi qualifié leur retour au pouvoir d'"échec de la communauté internationale".

Pour le secrétaire général des Nations unies, Antonio Guterres,"la communauté internationale doit s'unir pour s'assurer que l'Afghanistan ne soit jamais à nouveau utilisé comme une plateforme ou un refuge pour des organisations terroristes".

Pilule amère pour Washington

De nombreux autres diplomates et ressortissants étrangers, dont trois Suisses, ont également été évacués à la hâte de Kaboul.

Les Etats-Unis et 65 autres pays ont plaidé pour que les Afghans et les étrangers voulant fuir l'Afghanistan soient "autorisés à le faire", appelant les talibans à la "responsabilité" en la matière.

Le gouvernement du président américain, Joe Biden, a défendu sa décision de mettre fin à 20 ans de guerre, la plus longue qu'ait connue l'Amérique. Mais la pilule est amère pour Washington dont l'image en ressort profondément écornée et qui déplore 2.500 morts et une facture de plus de 2000 milliards de dollars.

Philippe Verdier et Martin Esposito avec ATS

«Je pense que ce qui s’est passé entre les années 1996 et 2001 va se reproduire» Maryam Yunus Ebener, Conseillère administrative d’Onex et Djawed Sangdel, président de la Swiss Umef University réagissent à la prise de Kaboul par les talibans.

Nos deux invités sont très inquiets pour l’avenir des populations afghanes. Maryam Yunus Ebener raconte son passé en Afghanistan, lors du règne des talibans à la fin des années 90. Elle pointe une dégradation à ce moment-là des conditions de vie des femmes. 

Djawed Sangdel souhaite «qu’il y ait des pénalités pour les talibans». Il regrette également les décisions de Joe Biden, avec le départ des troupes américaines: «Le gouvernement n’était pas prêt pour un changement aussi complexe. Les américains sont les premiers responsables.»