Genève

Pratiques immobilières: le procès hors-norme est ouvert

04.10.2021 19h22 Rédaction

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Deux promoteurs et trois responsables d'une entreprise générale comparaissent depuis lundi devant le Tribunal correctionnel de Genève. Ils sont accusés d'avoir escroqué ou d'avoir abusé de la confiance de 188 personnes qui rêvaient d'acquérir un logement. Julie Zaugg suit pour Léman Bleu ce procès.

Pour accueillir tous les protagonistes de cette affaire, le Tribunal a dû quitter le Palais de justice pour siéger exceptionnellement à la salle de spectacle du Palladium, rue du Stand. Les juges sont installés sur une estrade surélevée afin d'être au-dessus de la procureure. En arrière plan, plus de 200 dossiers sont rangés.

Face à la scène, 12 rangées de tables occupent tout l'espace pour les prévenus, leurs avocats, les parties plaignantes et leurs conseils. Importante à l'ouverture des débats, l'audience s'est rapidement clairsemée au cours de cette journée. La majorité des plaignants ont obtenu la dispense. Ce premier jour de débat était principalement consacré aux questions logistiques et préjudicielles.

Le Tribunal a rejeté toutes les demandes des parties, allant de la prise en compte d'un mémoire écrit d'un des prévenus, à la scission des débats en passant par l'irrecevabilité des conclusions civiles. Ces premières prises de parole des avocats ont toutefois permis d'esquisser les lignes de défense des uns et des autres.

Les avocats des promoteurs pointent du doigt la responsabilité de la banque et de l'entreprise générale. Les conseils des plaignants fustigent l'attitude des prévenus qui promettent de rembourser les sommes engagées depuis des années. Tous comptent sur cette procédure pénale pour récupérer les montants perdus, souvent 50'000 francs, dans cette débâcle immobilière.

Des PPE et des villas

Les deux promoteurs sont entre autres poursuivis pour escroquerie par métier, pour gestion déloyale qualifiée, ainsi que pour faux dans les titres. Tandis que les trois patrons de l'entreprise générale avec qui ils avaient l'habitude de travailler doivent notamment répondre d'abus de confiance et de gestion déloyale.

Les deux promoteurs avaient fondé ensemble une société qui s'était spécialisée dans le développement de projets immobiliers, principalement des logements en PPE ou des villas groupées. Ils pilotaient le processus jusqu'au démarrage du chantier.

Curieuses pratiques

Pour réserver un logement, le futur propriétaire devait déposer un acompte auprès des promoteurs. Selon l'acte d'accusation, les appartements ont parfois été promis à plusieurs clients. De l'argent a aussi été versé sans aucune garantie que le projet ne se réalise, l'autorisation de construire n'ayant pas été délivrée.

Des acomptes ont servi à d'autres fins, notamment à rembourser des dettes qu'avait contractées la société des prévenus. Ces derniers sont également accusés d'avoir gonflé les prix de certaines promotions pour ensuite proposer à leur client un rabais en échange du versement d'une somme "au noir", en espèces.

Selon le Ministère public, les deux promoteurs se sont indûment approprié plus de 27 millions de francs entre 2009 et 2014. L'accusation leur reproche d'avoir capté "des montants colossaux" qui ont contribué à augmenter de "manière substantielle" leur train de vie et celui de leurs familles respectives.

Un système de "cavalerie"

Les trois autres accusés possédaient une société qui exploitait une entreprise générale de construction. Cette entreprise, luttant contre le surendettement, était mandatée par les deux promoteurs pour réaliser leurs projets, travaillant presque exclusivement pour eux.

Afin de poursuivre ses activités, les responsables de la société ont mis en place, selon les mots du Ministère public, "un système de cavalerie", consistant à utiliser les fonds versés par des nouveaux clients pour payer les factures des sous-traitants se rapportant à des chantiers précédents.

Les prévenus contestent les charges pesant sur eux. Ils auront trois semaines pour convaincre les juges du Tribunal correctionnel. La justice genevoise, de son côté, a ordonné le séquestre de biens immobiliers, de bijoux, de tableaux, de montres et autres objets appartenant aux accusés afin de pouvoir indemniser les plaignants. Le verdict est attendu le 25 octobre.

(Avec ATS)