Genève

Procès Maudet : la défense contre-attaque

18.02.2021 18h55 Rédaction

SUISSE SUISSE PROCES PIERRE MAUDET SUISSE SUISSE PROCES PIERRE MAUDET

Après le féroce réquisitoire du premier procureur hier, c’était à la défense du conseiller d’État de s’exprimer ce jeudi.

L’exercice est réussi et convaincant, Maître Hayat ouvre le bal ce matin au tribunal de Genève. « Madame la présidente, vous devez juger une homme condamné », référence au fracas inaudible qui entoure Pierre Maudet depuis 3 ans et de fustiger tout ceux qui, dans un requiem, se sont plu à le juger. « Saint-Pierre est devenu M le Maudit », rajoute-t-elle. À cause de ce fameux mensonge originel, celui de mal nommer ce voyage officiel en voyage strictement privé, c’est une faute, c’est sa faute, dit-elle. Mais péché n’est pas culpabilité. C’était en quelque sorte la plaidoirie politique.

Me Mangeat entre alors en scène, et s’attelle à démonter point par point toutes les accusations du parquet : Il dénonce un acharnement des procureurs à voir Pierre Maudet coupable dans tous les cas. Soit le voyage privé est trop officiel, soit le voyage officiel est trop privé. « Mais qui sommes-nous pour juger de l’officialité d’un voyage?, clame-t-il. L’officialité se perd-elle dans la présence d’une épouse, dans la présence d’enfants? L’officialité se perd-elle car l’hôtel est trop beau? Madame la présidente, vous n’êtes pas le juge des officialités qu’un État étranger souverain a voulu donner à son invitation. »

La défense instille le doute

Me Mangeat rappelle qu’Ueli Maurer, conseiller fédéral, avait accepté la même invitation en 2010, sans que personne n’y voit une infraction pénale. Pour preuve : inviter un ministre en raison de son statut n’a rien à voir avec l’invitation d’un homme d’État en raison des devoirs de sa charge. Nuance de taille. Car l’objectif de ces invitations, ce sont des mises en scène d’un pays qui se donne à voir. Se donne à voir à des personnalités invitées en raison de leur statut. Sur place, Pierre Maudet n’a même pas eu accès à la tour des rois, il était là, au milieu de centaines de personnes qu’il ne connaissait pas. La finalité de cette invitation était étrangère à toute prise d’influence.

Pierre Maudet influençable, quelle oxymore, s’exclame Me Yaël Hayat. La troisième avocate de Pierre Maudet, c’est Me Fanny Margairaz. Elle se lève pour défendre la légalité du fameux sondage politique de 2017.Aucune prise d’influence ne peut être retenue, dit-elle, le financement politique n’entre pas dans ce cadre. Car il s’agit bien de financement politique. Ce sondage a clairement été organisé dans le cadre d’une campagne, via les boîtes mails privées des différents protagonistes.

En résumé, aujourd’hui, la défense est parvenue à instiller le doute. Et on le sait, en droit, in dubio pro reo, le doute profite à l’accusé. Pierre Maudet a conclut la journée par une courte déclaration, il est le seul à avoir exercé ce droit. Un très radical « J’ai dit » seront ses derniers mots avant de filer par une porte dérobée.

On aura finalement assisté à un procès serein, respectueux, placé sous le signe de l’oralité a dit Pierre Maudet, à des années lumières de cette procédure pénale menée tambour battant, sur la place publique, émaillée par les fuites toujours à la charge de Pierre Maudet. Cette impression d’un assaut par le pouvoir judiciaire du Conseil d’Etat, plongeant les institutions dans une grave crise. Cette semaine il en était différemment, et heureusement. Les débats ont été présidés avec talent et impartialité, il faut le souligner, par la juge unique Sabina Mascotto. Une impartialité qui fait du bien et qui présage d’un jugement solide et incontestable, quel qu’il soit, lundi à 17h30.

Laëtitia Guinand : « On a assisté à un grand moment de campagne ».

Pour notre journaliste, Pierre Maudet et sa défense ont tout fait pour faire oublier les charges qui pèsent sur lui et les autres accusés. « Cela fait des semaines que la campagne s’articule entre pour ou contre Pierre Maudet. (…) La chronique de ce procès s’est transformée en show de télé-réalité », parlant d’un Maudet-show. Mais les faits sont graves. Et la voix du procureur rappelle les actes stupéfiants qu’a commis le magistrat.