À la fondation Bodmer, les trésors de l’humanité bien conservés
Suite et fin de notre série d’été, à la découverte des réserves de musées genevois. Après une plongée dans les mondes du vivant, puis de la musique, cap sur le monde fascinant de la littérature, à la fondation Bodmer.
On y trouve habituellement une Bible de Gutenberg, le livre des morts égyptiens, ou un exemplaire vieux de plusieurs siècles du Coran. Mais aujourd’hui, elle est quasiment vide : la salle de l’exposition permanente du Musée Bodmer. Car l’exposition permanente ne l’est pas tant que cela : «Le meilleur moyen de conserver un ouvrage précieux comme un manuscrit du Moyen-âge ou une édition originale, c’est de maintenir le livre fermé, conservé dans le noir et au frais. Donc c’est vrai que la mission d’un musée du Livre est un peu paradoxale : elle doit pouvoir montrer, mais en même temps préserver. Et cette préservation passe par une rotation de notre exposition permanente, qui a donc une durée de vie de l’ordre de 5 ans» explique Nicolas Ducimetière, vice-directeur et conservateur en chef à la Fondation Martin Bodmer.
«Le contenu est important, mais la matière l’est tout autant»
Lorsqu’ils quittent les galeries d’exposition, les précieux ouvrages ne retournent pas fissa dans les réserves. Ils passent d’abord par l’atelier de conservation-restauration, pour un check-up complet : vérification de l’état général de l’objet, de sa reliure, des encres… Certains ouvrages passent même sous l’œil du microscope. Les livres sont ensuite photographiés, avant d’être rangés dans un contenant qui les protégera au mieux. Gabriella Zucchetti, Technicienne en conservation, nous explique l’importance de ces précautions : «On a des objets, des documents dont le contenu est très important, mais leur matière l’est tout autant : elle donne énormément d’informations. Comme par exemple sur leur technologie de fabrication, leur lieu d’origine, leur parcours, ou leur utilisation à travers le temps» détaille-t-elle. Après ces manipulations, les livres peuvent enfin aller se reposer dans les réserves jusqu’à une prochaine utilisation pour une exposition, ou dans le cadre de la recherche scientifique.
«Ce ne sont pas que des mots»
À la Fondation Martin Bodmer, il y a plus de 4 kilomètres de rayons qui se trouvent dans les sous-sols du musée. On y retrouve des éditions originales mais aussi des premières traductions et des documents historiques comme une lettre signée de la main de Louis XIV, ou encore une impression de l’édit de Nantes datée de 1599. Des documents qui ont une valeur inestimable : «Ce ne sont pas que des mots. Ce sont des textes suffisamment forts, qui parlent suffisamment à tout individu sur la planète pour qu’ils transcendent la civilisation, l’époque qui les a vus naître. Ce sont des textes qui portent des valeurs, des connaissances, qui ont été des points saillants de l’histoire internationale et à ce titre, en conserver les manifestations les plus anciennes est une tâche extrêmement noble, parce qu’on doit se rappeler d’où on vient, et quels ont été les grands textes qui ont façonnés les civilisations qui sont les nôtres aujourd’hui» explique Nicolas Ducimetière.
Pour illustrer son propos il nous montre un exemplaire de l’édition originale des Scènes de la vie de province, imprimé sur papier rose : il n’en existerait que trois ou quatre exemplaires. Il s’agit d’une œuvre qui préfigure la Comédie humaine de Balzac. Rien que ça. Et ce n’est qu’une infime partie des dizaines de milliers d’ouvrages que détient la Fondation Martin Bodmer.