Culture

Le cinéaste Alain Tanner est décédé

11.09.2022 13h48

Le cinéaste Alain Tanner est décédé

Le cinéaste genevois Alain Tanner est décédé dimanche dans sa 93e année. L'oeuvre de ce pionnier du Nouveau cinéma suisse sert toujours de référence. (archives)

Photo: KEYSTONE/STR

Le cinéaste genevois Alain Tanner est décédé dimanche dans sa 93e année. Reconnu internationalement, Alain Tanner, un 'monument' de son art en Suisse, est à l’origine du nouveau cinéma suisse dans les années 1970.

L'annonce a été faite par l'Association Alain Tanner, en concertation avec la famille du défunt. L'oeuvre de ce pionnier du Nouveau cinéma suisse sert toujours de référence aux nouvelles générations de cinéastes.

En 1968, Alain Tanner se réunit avec quatre réalisateurs - Michel Soutter, Jean-Louis Roy, Jean-Jacques Lagrange (remplacé par Yves Yersin en 1971) et Claude Goretta - pour fonder le 'Groupe des 5'. Ils sont tous à l'origine de ce renouveau cinématographique suisse, un cinéma à contre-courant.

Le premier long métrage d'Alain Tanner, 'Charles mort ou vif' (1969), marque le début du cinéma d'auteur engagé en Suisse. Il est aussi lauréat du Léopard d'Or au Festival du film de Locarno.

Il sera suivi en 1971 par 'La Salamandre', un film aux accents libertaires, qui devient un film culte. Ensuite, Alain Tanner est influencé par Jean-Luc Godard.

Dans sa filmographie très dense, on retrouve 'Jonas qui aura vingt-cinq ans en l'an 2000' (1976), 'Les Années lumière' (1981), Grand Prix au festival de Cannes, ou encore 'Dans la ville blanche' (1983), César du meilleur film francophone.

Il a tourné sans relâche de la fin des années 1960 jusqu'en 2004. Le Genevois a reçu de nombreux prix pour ses films à Locarno, Venise, Cannes et aux Etats-Unis. En 2014, les archives d'Alain Tanner sont entrées à la Cinémathèque suisse.

Acte politique

Alain Tanner a étudié à l'Université de Genève où il a fondé un ciné-club en compagnie de Claude Goretta. Les deux Genevois sont ensuite partis à Londres. Ils ont réalisé ensemble leur premier film, 'Nice Time' (1957), un court métrage remarqué sur la vie des noctambules dans le Picadilly Circus londonien.

Alain Tanner a toujours considéré que faire du cinéma est un acte politique. Il a aussi prolongé son engagement au-delà du cinéma en s'impliquant notamment en faveur de la population palestinienne de Gaza.

'Une violence suisse'

Son complice genevois du 'Groupe des 5' Jean-Jacques Lagrange salue en Alain Tanner 'une forte personnalité et un homme très indépendant'. Un avis partagé par Lionel Baier qui relève sa notoriété à l'étranger et sa capacité à filmer 'une violence suisse'.

'C'est une triste nouvelle', a dit à Keystone-ATS M. Lagrange. 'Je reste seul', dit celui, né en 1929, qui est désormais le dernier des fondateurs du Groupe des 5 encore vivant. Il retient de Tanner sa contribution 'essentielle' comme artisan de la loi sur le cinéma.

Le Vaudois Lionel Baier salue l'humilité du cinéaste qui a su arrêter de faire des films quand il ne se sentait plus en phase avec son temps.

S'il affirme ne pas l'avoir considéré comme une inspiration pour lui, il ajoute très rapidement se rendre compte avec l'âge qu'Alain Tanner l'influence sur certains points.

Cinéaste de 'cohérence'

A l'étranger, Alain Tanner 'est sans doute le cinéaste suisse le plus connu' dont le nom revenait le plus dans les discussions lors de tournages, ajoute le cinéaste vaudois. 'Son écriture cinématographique était la plus reconnaissable', dotée de 'cohérence' pour un homme de 'conviction'.

Au Portugal, certains considèrent même 'Dans la ville blanche' comme le plus beau film sur Lisbonne, ajoute également M. Baier. Mais son cinéma portait également beaucoup sur la scène suisse. 'Personne n'a été aussi précis' sur ce pays, alors même qu'il considérait la Suisse comme 'trop belle et trop spectaculaire' pour être filmée, ajoute le Vaudois.

'Il est allé chercher le drame dans un pays qui ne le prévoyait pas' et 'il savait montrer une violence suisse', dit-il. Aujourd'hui, Ursula Meier, qui a été son assistante, s'en rapproche probablement le plus, affirme-t-il.

Un monument

La Suisse perd un 'monument de son cinéma' avec le décès du Genevois Alain Tanner, selon le directeur de la Cinémathèque suisse Frédéric Maire. Il salue la 'rigueur' de son travail et un 'activiste' qui a fait avancer le soutien public au film dans ce pays.

'C'était le Nouveau cinéma suisse et pourtant ses films restent d'une modernité aujourd'hui encore', a affirmé à Keystone-ATS M.Maire. Ses oeuvres 'résonnent auprès des jeunes qui les voient pour la première fois'.

Les thématiques abordées par celui qui avait aussi filmé mai 68 pour la télévision, du capitalisme à l'environnement, sont plus que jamais celles du 21e siècle. 'Il a gardé dans son cinéma une actualité', ajoute le directeur de la Cinémathèque, regrettant presque son choix d'arrêter à un moment donné de faire des films.

Précision, rigueur, approche claire sont autant de qualificatifs qui collent aussi bien au cinéaste qu'à l'homme, dont l'oeuvre était très connue à l'étranger, confirme M. Maire.

La Cinémathèque diffuse régulièrement ses oeuvres qui sont numérisées avec le soutien de l'Association Alain Tanner. 'Bien sûr que nous lui rendrons hommage', dit le directeur.

Dans un Tweet posté dimanche soir, le ministre de la culture Alain Berset écrit qu'avec 'Charles mort ou vif, La Salamandre, Dans la ville blanche, Alain Tanner, figure du nouveau cinéma suisse, nous laisse des films devenus des incontournables. Reconnaissance et émotion pour un monument qui s’en est allé', ajoute le conseiller fédéral.

/ATS