«Femmes chinoises», entre réalité et représentations
À la Fondation Baur, une exposition retrace la complexité de la condition féminine en Chine, entre idéaux, traditions et luttes invisibles.
«Je me demande pourquoi, à ma naissance, j’ai été destinée à être femme.» Ces mots de l’autrice Gan Lirou au début du 19e siècle résonnent comme un fil rouge dans l’exposition “Femmes chinoises” présentée à la Fondation Baur à Genève. À travers objets, peintures et récits, elle propose un éclairage nuancé sur une figure souvent fantasmée, mais trop peu racontée depuis sa propre réalité.
L’équipe curatoriale a choisi de mettre en lumière à la fois l’image idéalisée de la femme chinoise telle que perçue par les Européens, et sa véritable condition dans une société patriarcale et hiérarchisée. L’exposition évoque les souffrances infligées aux femmes, comme la pratique mutilante des pieds bandés, mais aussi leur résilience artistique. Certaines, bien que privées d’éducation, sont devenues peintres reconnues, à qui une salle entière rend hommage.
Le parcours mène jusqu’à un lit nuptial du 19e siècle, pièce maîtresse venue du sud de la Chine. Véritable symbole de fécondité, il servait autant d’objet rituel que de message social. «Il était interdit aux adultes d’y entrer, mais les garçons étaient encouragés à y jouer pour porter chance au couple», explique la commissaire Helen Loveday. Le mobilier, richement orné, mêle références guerrières et vœux de prospérité.
Autre volet de l’exposition: la relation entre femmes et divinités protectrices. Des planches en bois illustrent les prières adressées à ces figures pendant la grossesse ou face aux épidémies. L’une d’elles, au centre, incarne la protection contre les maladies infantiles comme la variole ou la rougeole, fléaux meurtriers de l’époque.
À travers cette plongée dans les multiples facettes de la féminité en Chine, l’exposition rend hommage à des trajectoires effacées et à une histoire longtemps écrite sans elles. «Femmes chinoises», est à voir à la Fondation Baur jusqu’au 20 juillet.