Maryse Estier revisite «Le Dindon» de Feydeau
Au Théâtre de Carouge, la metteuse en scène Maryse Estier en propose une adaptation contemporaine, où rythme effréné et questionnements sociaux se mêlent.
«Le Dindon», c’est d’abord une situation absurde : un homme, Pontagnac, s’introduit chez une femme qu’il suit depuis plusieurs jours… pour tomber nez à nez avec son mari, un vieil ami. «La situation de départ n’est pas drôle en soi, concède Maryse Estier. Mais c’est dans l’absurdité des dialogues et des réactions humaines que naît le comique.»
Si la pièce repose sur des ressorts classiques du théâtre de boulevard – quiproquos, rebondissements et tromperies –, elle porte aussi un regard critique sur les mœurs de l’époque. «C’est une histoire d’amour, mais aussi de liberté. Feydeau met en lumière les hypocrisies sociales, notamment la façon dont l’infidélité est perçue différemment selon qu’elle est masculine ou féminine.»
Une adaptation ancrée en Suisse romande
Pour cette mise en scène, Maryse Estier a fait des choix forts. La pièce, initialement longue de trois heures, a été resserrée en deux heures en recentrant l’intrigue sur les personnages principaux. Et surtout, elle a été transposée en Suisse romande. «L’histoire se passe à Genève, avec des références locales qui rapprochent les spectateurs des personnages. Feydeau avait un regard aiguisé sur ses contemporains, et j’ai voulu retrouver cette proximité.»
Sur scène, huit acteurs donnent vie à quinze rôles. «J’aime les grands plateaux, avec de nombreux interprètes», confie la metteuse en scène. «Cela donne du dynamisme, de la surprise, et empêche tout ennui.» Un défi de rythme et de précision, d’autant que l’adaptation joue aussi sur le langage corporel: «Les corps racontent autant que les dialogues ce que traversent les personnages.»
Maryse Estier, qui porte une attention particulière à la place des femmes sur scène, a été séduite par la force des personnages féminins de «Le Dindon». «Elles ont du caractère, du chien. J’ai voulu les mettre en lumière.» Pour la suite, elle espère adapter une autrice oubliée du XIXᵉ siècle, Delphine de Girardin. «Elle était reconnue de son vivant, mais aujourd’hui on n’en parle plus. Pourtant, son écriture résonne encore.»