Culture

Reçu à l'Académie française, Mario Vargas Llosa critique la Russie

09.02.2023 18h21

Reçu à l'Académie française, Mario Vargas Llosa critique la Russie

Le péruvien Mario Vargas Llosa est le premier écrivain n'ayant jamais écrit une oeuvre dans la langue de Molière à entrer à l'Académie française.

Photo: KEYSTONE/AP/NATACHA PISARENKO

L'écrivain péruviano-espagnol Mario Vargas Llosa, devenu le premier à entrer à l'Académie française sans avoir jamais écrit directement dans la langue de Molière, a critiqué jeudi dans son discours de réception, la Russie de Vladimir Poutine.

'Le roman sauvera la démocratie ou s'abîmera avec elle et disparaîtra', a déclaré le romancier, prix Nobel de littérature en 2010, dans un éloge de la littérature française citant Gustave Flaubert, Victor Hugo, Emile Zola ou encore Jean-Paul Sartre.

'Il restera toujours - comment en douter? - cette caricature que les pays totalitaires nous vendent comme romans, mais qui n'existent qu'après avoir traversé la censure qui les mutile, afin d'étayer les institutions fantasmagoriques de semblables singeries de démocratie dont nous donne l'exemple la Russie de Vladimir Poutine', a-t-il avancé.

La russophilie d'autres membres de l'Académie française a été critiquée par une enquête de l'hebdomadaire L'Obs publiée jeudi et visant entre autres, la secrétaire perpétuelle Hélène Carrère d'Encausse.

Cette historienne spécialiste de l'Union soviétique, jusqu'aux jours précédant l'invasion de l'Ukraine par l'armée russe en février 2022, disait ne pas croire un instant à cette éventualité.

Mario Vargas Llosa, élu à l'Académie en novembre 2021, est le premier à y entrer sans avoir jamais écrit de livre en français.

Il a expliqué dans son discours son amour ancien pour la culture française, qui l'avait poussé à immigrer à Paris à 23 ans, en 1959. Et il a prononcé, comme le veut l'usage, l'éloge de son prédécesseur au fauteuil 18, le philosophe Michel Serres, décédé en 2019.

Juan Carlos

L'écrivain a montré qu'il ne craignait pas la polémique en invitant à Paris à cette occasion l'ancien roi d'Espagne Juan Carlos, qui est arrivé sur place dans un fourgon noir aux vitres teintées peu avant 14h45, a constaté un journaliste de l'AFP.

L'ex-chef d'Etat espagnol a été reçu par Xavier Darcos et Hélène Carrère d'Encausse, qui lui ont serré la main.

Celui-ci vit en exil depuis 2020 aux Emirats arabes unis. Dans son pays, sa popularité s'est effondrée après une série de scandales, dont une plainte pour harcèlement d'une ancienne maîtresse, Corinna Larsen, des révélations sur son train de vie fastueux et une chasse à l'éléphant au Botswana.

La candidature de M. Vargas Llosa à l'Académie française avait fait l'objet de soins particuliers. Non seulement il écrit en espagnol, mais en plus il avait dépassé de dix ans la limite d'âge.

Mais le résultat a presque été un plébiscite: 18 voix pour lui, une seule pour un rival, un blanc, deux nuls. Or, sur les trois élections qui ont eu lieu ensuite à l'Académie française, seule une a permis de faire entrer un 'Immortel', le professeur au Collège de France Antoine Compagnon, tandis que les deux autres ont été infructueuses faute de majorité absolue pour un candidat.

Fait unique: l'auteur de 'La Fête au bouc' est membre de trois académies linguistiques, ayant été élu à l'Académie péruvienne de la langue en 1977, et à l'Académie royale espagnole en 1994.

D'autres étrangers l'ont précédé à l'Académie française. Le premier avait été un Américain, Julien Green en 1971, qui ne souhaita jamais devenir Français. Dany Laferrière, élu en 2013, est Canado-Haïtien.

L'Académie, institution chargée depuis 1635 de défendre la langue française et de rédiger un dictionnaire, compte 40 fauteuils. Cinq restent à pourvoir.

/ATS