Culture

Stabat Mater à Saint-Pierre, Romeo Castellucci promet un spectacle «scandaleux»

06.05.2025 20h00 Vincent Ulrich

Romeo Castellucci

Dès samedi, et pendant une semaine, la cathédrale Saint-Pierre accueille entre ses murs l’oratorio Stabat Mater, mis en scène par Romeo Castellucci. L’œuvre de Giovanni Battista Pergolesi, ode à la Vierge Marie, jouée devant la chaise de Calvin, pourrait faire scandale selon le metteur en scène italien.

Une rencontre inédite se profile samedi: celle d’une œuvre et d’un lieu. Le Grand Théâtre de Genève présente le Stabat Mater de Pergolesi hors ses murs, dans un cadre aussi inattendu que symbolique.

Un oratorio en résonance avec le sacré

C’est en la cathédrale Saint-Pierre que l’œuvre de Pergolesi est mise en scène par le plasticien de renom Romeo Castellucci. L’artiste italien, habitué à travailler dans des églises, souligne n’avoir jamais œuvré dans un lieu d’une telle ampleur ni d’une telle beauté: «Ce n’est pas un décor, ce n’est pas un espace neutre. C’est un espace extraordinaire, chargé d’une mémoire, d’un vécu. Il s’agit de travailler avec la cathédrale, plutôt que dans la cathédrale. Nous avons presque fait un travail de couturiers dans cet espace.»

Le caractère sacré d’une cathédrale, en l’occurrence de Saint-Pierre, entre en résonance avec l’œuvre. «Le Stabat Mater, c’est un oratorio, rappelle Romeo Castellucci. C’est un objet qui est conçu pour prier. Il y a donc, d’une certaine façon, une cohérence. Mais il faut trouver une balance. C’est pour cela que nous avons mis au début et à la fin des morceaux de Giacinto Scelsi, un compositeur contemporain spirituel, mais avec une autre façon d’aborder les sons.»

Un spectacle «scandaleux»

Pourtant, si l’œuvre de Giovanni Battista Pergolesi, qui raconte la douleur de Marie devant la crucifixion de son fils Jésus, a toute sa place dans un lieu sacré, une ode à la Vierge jouée devant la chaise de Jean Calvin pourrait être perçue comme une provocation. Le protestantisme, issu de la Réforme calviniste du XVIe siècle, dont Saint-Pierre fut un haut lieu, ne voue pas de culte à la Vierge.

Romeo Castellucci s’en défend: «Ce n’est pas du tout de la provocation, je n’aime pas ce mot. C’est le portrait d’une femme qui pleure devant son fils qui est en train de mourir. C’est un sentiment qui nous appartient à tous. Ce n’est pas uniquement de la foi. C’est un acte très humain. Dans ce contexte, nous pouvons nous plonger dans ce sentiment.» Et lorsque l’on demande à celui qui préfère le mot scandale, et ses racines grecques, au terme provocation, si le spectacle sera scandaleux, la réponse fuse: «J’espère!»

Au-delà du scandale, «c’est une musique extraordinaire, d’une douceur presque insupportable, explique Romeo Castellucci. On peut pleurer tout le temps. Mais il y a aussi des moments de lumière absolue, presque de joie. La douleur, ce n’est pas du tout du désespoir. Il y a toujours un élan vers une lumière que l’on peut ressentir.»

Le Stabat Mater, mis en scène par Romeo Castellucci avec la soprano canadienne Barbara Hannigan, est à découvrir en la cathédrale Saint-Pierre dès samedi, et jusqu’au dimanche 18 mai.