Culture

Une nouvelle gouvernance pour le Béjart Ballet Lausanne

29.10.2021 14h23

Une nouvelle gouvernance pour le Béjart Ballet Lausanne

Photo: KEYSTONE/JEAN-CHRISTOPHE BOTT

L'audit mené sur le Béjart Ballet Lausanne (BBL) a révélé de 'sérieux problèmes'. Le Conseil de fondation revoit la gouvernance de la compagnie et crée un poste de directeur général. Gil Roman reste chorégraphe et directeur de ballet, mais il sera encadré.

Le Conseil de fondation a annoncé vendredi une série de mesures pour répondre aux carences relevées dans l'audit. Lancé mi-juin, il a permis d'entendre de façon anonyme 70 membres du BBL, soit la quasi-totalité du personnel ainsi que 47 anciens collaborateurs, a déclaré Solange Peters, présidente du Conseil de fondation vendredi devant la presse à Lausanne.

Dans le rapport publié vendredi, 'ce qui nous a frappés c'est la confusion des rôles au BBL. La distribution des responsabilités artistiques et administratives est mal délimitée', a-t-elle observé.

L'organisation de la compagnie nécessite une rigueur plus forte et mérite d'être peaufinée. 'Dans ce ballet l'émotionnel est très fort et l'emporte sur le rationnel, a souligné la présidente du Conseil'. La communication interne parfois parcellaire, voire lacunaire, doit être améliorée.

Soupe au lait

Le Conseil de fondation va ainsi mettre en place un nouvel organigramme qui redéfinit les postes actuels de direction. Le numéro un de la compagnie, Gil Roman, y poursuit sa mission de chorégraphe et directeur de ballet, mais avec un soutien et un encadrement spécifiques.

'De façon réconfortante et unanime, ses qualités artistiques sont reconnues', note Mme Peters. L'audit le décrit comme sensible, pointu, exigeant. Mais aussi comme 'vulgaire, impulsif, colérique et injurieux'. Pour y remédier, un encadrement 'solide' sera mis en place. Le directeur artistique travaillera notamment 'en collaboration étroite avec un nouveau maître de ballet', Eric Camillo.

Le Conseil de fondation souligne encore que le rapport d’audit n’atteste en rien les rumeurs faisant état de harcèlement d’ordre sexuel, d’homophobie, de consommation ou trafic de cocaïne ou encore de népotisme de la part du directeur artistique.

Chapeauter l'ensemble

Pointant un manque de contre-pouvoir au sein de la direction, le Conseil de fondation crée également un nouveau poste de directeur général. Il chapeautera l'ensemble de l'institution y compris l'Ecole-Atelier Rudra Béjart et sera recherché à l'externe. S'y ajoutera un poste de responsable des ressources humaines. Une commission du personnel sera également mise sur pied.

Enfin, le directeur de production, démis provisoirement de ses fonctions, a été licencié le 18 octobre dernier. Si ses qualités professionnelles sont reconnues, il a commis de graves manquements dans la gestion des distances avec les collaborateurs et du respect des femmes, a relevé Mme Peters. Ses attitudes et propos relèvent du harcèlement sexuel.

Le rapport sera transmis au Ministère public vaudois qui décidera d'éventuelles suites à donner, a noté Mme Peters. L'homme avait déjà été licencié par Maurice Béjart pour harcèlement avant d'être réengagé.

Tolérance zéro

Devant la forte attente des personnes auditées, le Conseil de fondation a décidé de mettre rapidement en place de 'petites' mesures, mais 'très importantes' pour le quotidien. Elles concernent l’amélioration de l’organisation du travail et le respect d’autrui.

Parmi elles, un planning du travail et des vacances mieux structurés, la consolidation du plan de santé, une politique de tolérance zéro en matière de consommation d’alcool ou de stupéfiants et de tout comportement inapproprié, ainsi qu’une révision de la politique salariale.

Rapport sans concession

La Ville de Lausanne appuie les mesures prises par le Conseil de fondation, a déclaré le syndic Grégoire Junod. Le bilan complet des relations et du vécu du personnel livré dans le rapport est dur et 'sans concession'.

'Nous suivons dans leur totalité les conclusions et les pistes de l'auditeur. Le recadrage d'un directeur artistique qui n'aura que l'artistique, la venue d'un directeur général, ces éléments, on les fait nôtres', a-t-il relevé.

'Un audit est toujours un moment de crise', a-t-il ajouté. 'Nous espérons que le BBL tiendra le choc, mais il nous semble que les décisions prises lui permettront de continuer à se développer. Et de rappeler l'attachement 'extrêmement fort' à l'égard de la compagnie: 'à Lausanne comme partout dans le monde, elle continue de jouer à guichets fermés'.

Dialogue espéré

Présidée par Gil Roman, une 2e structure, la Fondation Maurice Béjart, qui détient les droits, n'a pas été incluse dans le périmètre de l'audit, a précisé Mme Peters. Cette construction 'étonnante' a été voulue par Maurice Béjart.

'Il n'est pas de notre ressort de décider de son sort', a-t-elle ajouté, relevant que si Gil Roman devait manquer à ses obligations, 'rien ne l'empêchera d'agir'. 'On espère ouvrir le dialogue avec cette fondation, cela paraît une évidence à la lecture du rapport', a ajouté Grégoire Junod.

D'abord l'Ecole

Cette enquête globale a été déclenchée suite à un premier audit qui avait révélé fin mai des dysfonctionnements à l'Ecole-atelier Rudra-Béjart. Le directeur et la régisseuse avaient été licenciés et l'école fermée pour une année au moins.

Par la suite, les critiques se sont étendues à la compagnie elle-même. La présidente du Conseil de fondation a rappelé vendredi ne pas avoir eu connaissance auparavant de ces carences.

Le BBL est subventionné à hauteur de 5,3 millions par an par la Ville de Lausanne.

Consulté dans le cadre de l'audit, le syndicat suisse romand du spectacle (SSRS) a salué la reconnaissance des souffrances des personnes qui ont été entendues pendant l'audit du Béjart Ballet Lausanne.

/ATS