Accord international pour réduire la pollution du secteur maritime, insuffisant selon les ONG
La très grande majorité des 100'000 navires du secteur, qui transportent 90% des marchandises dans le monde, sont propulsés par du fioul lourd. Le secteur est responsable de près de 3% des émissions de CO2 mondiales, d'après l'Onu.
Photo: KEYSTONE/EPA EFE/A.CARRASCO RAGELUn accord international pour décarboner le secteur très polluant du fret maritime a été promulgué vendredi par l'Organisation maritime internationale (OMI). Il est toutefois moins ambitieux qu'espéré et très critiqué par les ONG.
Objectifs de réduction des émissions polluantes plus modestes, absence de mesures contraignantes et le projet d'une taxe internationale sur les émissions de carbone du commerce maritime relégué dans un éventail de mesures possibles pour réduire les émissions du fret: les ONG dénoncent un compromis beaucoup trop timide.
L'accord met en avant 'une ambition commune améliorée d'atteindre la neutralité carbone pour le fret maritime international près de 2050', et vise une réduction des émissions de CO2 'd'une moyenne d'au moins 40% d'ici 2030 comparé à 2008', écrit sur son site l'OMI, qui dépend de l'ONU.
Le compromis prévoit ainsi des objectifs 'indicatifs' (donc non contraignants) de réduction des émissions polluantes d'au moins 70% d'ici 2040, avec en ligne de mire au moins 80%, comparé à 2008.
'Etape majeure'
'C'est un jour important pour le climat' s'est félicité le représentant allemand Dieter Janecek. Dans la mise en oeuvre de l'accord, 'nous devons cependant nous assurer d'atteindre l'objectif de température fixé par l'Accord de Paris', insiste-t-il.
Le secrétaire d'Etat français chargé de la Mer Hervé Berville, a quant à lui salué une 'étape majeure dans notre course vers la neutralité climatique' avant l'adoption de 'mesures contraignantes'. 'Nous nous sommes certes assis à la table des négociations avec des ambitions plus fortes que l'accord final obtenu', a-t-il cependant admis, 'mais il s'agit indéniablement d'un succès'.
Ambitions divergentes
L'Union européenne réclamait en effet un objectif plus ambitieux de zéro émission nette en 2050, avec deux étapes intermédiaires: réduction de 29% en 2030 et 83% en 2040. Les îles-Etats du Pacifique, particulièrement menacées par le réchauffement climatique, voulaient aller plus loin, soutenues par les Etats-Unis, le Royaume-Uni et le Canada: -96% d'ici 2040.
En 2018, l'OMI avait donné aux transporteurs l'objectif de réduire leurs émissions de CO2 de 50% en 2050 par rapport à 2008, ce qui était largement jugé insuffisant.
A l'inverse, nombre de gros exportateurs comme la Chine, le Brésil, l'Argentine, entre autres, ont freiné, affirmant que des objectifs trop stricts profiteraient aux pays riches, aux dépens des pays en développement.
Pas de taxe carbone
Ils s'opposaient notamment au projet d'une taxe carbone, soutenu par le président français Emmanuel Macron et par des entreprises comme le géant du fret maritime Maersk. Une éventuelle taxe n'apparaît désormais dans le projet d'accord que dans un éventail de mesures proposées pour réduire les émissions du fret.
Le panier de mesures de réduction des émissions polluantes à moyen terme devrait être finalisé et approuvé 'd'ici 2025' et d'autres mesures 'pourraient être finalisées et approuvées par le comité entre 2023 et 2030', selon le compromis.
Le vice-secrétaire général de la Chambre internationale de la marine marchande (ICS) Simon Bennett a salué un accord 'historique' qui 'donne un signal très fort aux exploitants de navires et surtout aux producteurs d'énergie' qui doivent désormais fournir 'des carburants marins sans émissions de gaz à effet de serre en très grandes quantités pour qu'une transition aussi rapide soit possible'.
Encore beaucoup à faire
La très grande majorité des 100'000 navires du secteur, qui transportent 90% des marchandises dans le monde, sont propulsés par du fioul lourd. Le secteur est responsable de près de 3% des émissions de CO2 mondiales, d'après l'ONU.
Le représentant des îles Marshall, Albon Ishoda, a estimé que la nouvelle stratégie 'gardait possible un réchauffement climatique limité à 1,5 degré et engageait le secteur vers une transition énergétique équitable'.
'Il reste toutefois beaucoup de travail pour s'assurer que le réchauffement plafonné à 1,5 degré (...) devient une réalité', souligne-t-il dans son discours de clôture, dont le texte a été reçu par l'AFP.
'Pas à la hauteur'
Les ONG écologistes se sont, elles, montrées très critiques. Elles demandaient de cibler -50% d'ici 2030 et la neutralité carbone d'ici 2040.
L'accord 'n'est malheureusement pas à la hauteur des attentes', regrette Harjeet Singh, responsable de la stratégie politique mondiale du Climate Action Network International, insistant sur la 'disparité évidente' avec les objectifs de l'accord de Paris.
Greenpeace a aussi jugé l'accord 'trop faible' dans un secteur qui a 'trop longtemps (...) fonctionné à l'abri des regards'.
'Le niveau d'ambition de l'accord est très inférieur à ce qui est nécessaire pour garder le réchauffement climatique planétaire sous 1,5 degré, et la formulation du texte est vague et non contraignante', déplore de son côté l'association Clean Shipping Coalition. 'Les représentants de la société civile sont profondément inquiets', conclut l'ONG Ocean Campaigns.
/ATS