Grève générale en Argentine: Milei face à une première contestation
Le nouveau président Javier Milei doit faire face à la rue.
Photo: KEYSTONE/EPA/JUAN IGNACIO RONCORONIContre un 'pillage légalisé', contre la 'tronçonneuse': des dizaines de milliers d'Argentins ont manifesté mercredi pour dénoncer les réformes d'austérité du président ultralibéral argentin Javier Milei, un mois et demi après son arrivée au pouvoir.
'La patrie n'est pas à vendre', 'ici, il n'y a pas de caste!' 'manger n'est pas un privilège': banderoles et pancartes ont rempli l'immense place du Parlement, à Buenos Aires, à l'appel du géant syndical CGT, centrale pro-péroniste (proche du précédent gouvernement), à laquelle s'étaient joints d'autres syndicats, organisations sociales, et de gauche radicale.
Selon le chef de la police de Buenos Aires Diego Kravetz, 80'000 personnes étaient présentes aux abords du Parlement. Un porte-parole de la CGT a évoqué à l'AFP jusqu'à 500'000 personnes dans la capitale. En province, à Cordoba, Corrientes, Rosario, Tucuman, entre autres, les médias ont rapporté des manifestations drainant des milliers de personnes.
'Un échec total'
Après un mois et demi de présidence Milei, une avalanche de projets de lois dérégulateurs, une dévaluation de 54% et des mesures d'austérité effectives ou planifiées, 'nous venons défendre 40 ans de démocratie, défendre la patrie', a lancé à la foule le codirigeant de la CGT Hector Daer.
'Se promener avec une tronçonneuse est une chose. Gouverner en est une autre' qui requiert 'd'accepter le débat' et de 'faire preuve de mesure', a-t-il lancé.
Dans la capitale, transports, commerces et banques ont fonctionné normalement mercredi matin. Les bus et les trains ont circulé jusqu'à 19h00, avant un arrêt total planifié jusqu'à minuit, quais de gare et stations se désertant en fin de journée.
Le trafic aérien a été touché. La compagnie Aerolineas Argentinas a annoncé annuler 295 vols, dont des internationaux, 'affectant plus de 20'000 passagers', pour un coût 'qui dépassera 2,5 millions de dollars'.
'Le pays ne s'arrête pas !', a claironné la ministre de la Sécurité Patricia Bullrich, raillant une mobilisation 'minimale' - 40'000 à Buenos Aires selon elle - 'par rapport au nombre de gens qui ont décidé d'aller travailler': un 'échec total'. Elle a dénoncé des 'syndicats mafieux, gestionnaires de la pauvreté [...] qui résistent au changement démocratiquement décidé par la société'.
'Résistance sociale'
Alors que des syndicats prédisent une conflictualité sociale bien plus forte en mars, sous l'effet cumulé de l'austérité et de l'inflation, mercredi relevait 'de la démonstration de force, du pouvoir de la rue, l'idée étant de montrer quelle sera la résistance sociale à Milei', analysait pour l'AFP le politologue Ivan Schuliaquer.
Il fallait montrer aussi que, même si les sondages récents restent favorables à M. Milei (de 47% à 55% d'opinion positive), 'il y a déjà un anti-miléisme bien organisé'.
Pour l'exécutif, 'il n'y a pas d'alternative' à l'austérité, pour apurer les comptes d'un pays structurellement endetté et stabiliser une économie étranglée à 211% d'inflation annuelle. Il dénonce des syndicats 'du mauvais côté de l'histoire' et une grève de 'non-sens absolu', annoncée en décembre 18 jours après l'investiture de Javier Milei et alors que les réformes suivent 'le jeu démocratique' au Parlement.
Le gouvernement pousse pour faire adopter son gigantesque train de réformes dit 'loi-omnibus', mais le rapport de forces parlementaires - le parti de M. Milei, La Libertad Avanza, n'est que la 3e force - contraint l'exécutif à des compromis.
Députés mis en garde
Dans les tractations des derniers jours avec l'opposition, il a proposé de retirer 141 des 664 dispositions initiales. Privatisations (41 entreprises d'Etat initialement visées), indexation des retraites, délégation de pouvoir à l'exécutif au nom de 'l'urgence économique' et ressources des provinces, sont les principaux points de friction.
La chambre des députés doit examiner la semaine prochaine une première mouture de texte. La CGT a enjoint aux parlementaires 'à décider s'ils sont du côté des travailleurs ou s'ils les trahissent'.
Sur le plan juridique, le 'décret de nécessité et d'urgence' (DNU) publié à la mi-décembre, qui pose le cadre général des réformes, rencontre, lui aussi, des écueils: il a fait l'objet de plus de 60 recours en justice invoquant son inconstitutionnalité.
/ATS