Économie

La compensation du déboisement toujours plus difficile

03.05.2023 08h01

La compensation du déboisement toujours plus difficile

En Suisse, 185 hectares de forêts sont défrichés chaque année - l'équivalent de 260 terrains de football - pour construire des infrastructures, surtout sur le Plateau (image d'illustration).

Photo: Keystone/ALESSANDRO DELLA VALLE

Il devient de plus en plus difficile en Suisse de trouver les surfaces de remplacement prescrites par la loi en cas de déboisement de zones forestières au profit d'infrastructures. Des conflits sont programmés à l'avenir avec l'éolien et le solaire, selon une étude.

En Suisse, environ 185 hectares de forêts sont défrichés chaque année - l'équivalent de 260 terrains de football - pour construire des routes, des antennes de téléphonie mobile, des captages d'eau potable, des gravières et autres infrastructures. En principe, le reboisement de nouvelles surfaces doit impérativement compenser la perte de surfaces forestières, a indiqué mercredi le Fonds national suisse (FNS) dans un communiqué.

Economiste agricole à l'Ecole polytechnique fédérale de Zurich (EPFZ), David Troxler s'est penché sur plus de 6000 projets réalisés entre 2001 et 2017. 'Actuellement, le système mis en place dans notre pays pour protéger les espaces boisés fonctionne plutôt bien dans l'ensemble', note le doctorant, cité dans le communiqué.

Ainsi, le défrichement n'est pas plus important dans les zones d'agriculture intensive ou de tourisme que dans d'autres régions. La non-existence de ce genre de situations typiques est selon lui la preuve que les mécanismes de contrôle fonctionnent.

Par ailleurs, les aires forestières sont en pleine expansion dans les Alpes, où des surfaces d'alpage toujours plus vastes sont laissées à l'état naturel.

A l'étroit sur le Plateau

C'est sur le Plateau que l'on observe la plus importante perte: entre 2001 et 2017, environ 0,5% des zones boisées y ont été touchées par un déboisement temporaire ou permanent. Très densément peuplée, cette région est celle qui génère le plus de conflits d'objectifs, avec la nécessité de libérer toujours plus d'espace pour construire des habitations et des infrastructures de transport. L'économie du bois y est par ailleurs florissante.

Il en résulte une difficulté croissante à trouver dans cette région les surfaces de remplacement prescrites par la loi. L'agriculture n'est ainsi pas disposée à renoncer au moindre mètre carré de terrain cultivable, déjà en pleine raréfaction, et l'on ne souhaite pas davantage déclasser les zones constructibles.

La conséquence est qu'il va falloir recourir de plus en plus souvent aux exceptions à la règle, déjà en usage, selon le chercheur. Ces exceptions prévoient par exemple de revaloriser les forêts actuelles sur le plan écologique au lieu de procéder à un reboisement.

Multiplication des conflits

Dans un avenir proche, David Troxler s'attend à une multiplication des conflits. Le développement d'infrastructures liées aux énergies renouvelables se fera aussi aux dépens d'espaces boisés, notamment dans les Alpes et sur le Plateau.

Il faudra trouver de la place pour les installations éoliennes et photovoltaïques proprement dites, mais aussi pour les lignes à haute tension, les voies d'accès aux différents chantiers et autres bassins de retenue liés à ces infrastructures.

Ce dilemme est d'ores et déjà perceptible dans la jurisprudence: depuis 2017, la conservation des forêts n'y a juridiquement parlant pas plus de poids que la construction d'infrastructures en lien avec les énergies renouvelables, souligne le FNS.

L'économiste agricole recommande par conséquent de planifier bien en amont la recherche de surfaces de compensation, par exemple en regroupant différentes régions en vue d'une gestion commune. Ces travaux réalisés sans le cadre du Programme national de recherche 'Économie durable' (PNR 73) ont été publiés dans la revue Forest Policy and Economics.

/ATS