Économie

Une manifestante anti-guerre interrompt le journal télévisé russe

14.03.2022 22h03

Une manifestante anti-guerre interrompt le journal télévisé russe

En Russie, le journal télévisé est très surveillé. Sur cette photo, on voit le président Poutine visiter les studios de RT en 2013.

Photo: KEYSTONE/EPA POOL/YURI KOCHETKOV / POOL

Une femme a fait irruption lundi soir pendant le journal télévisé le plus regardé de Russie avec une pancarte critiquant l'offensive militaire en Ukraine, une scène rarissime dans un pays où l'information est strictement contrôlée.

L'ONG de défense des droits des manifestants OVD-Info, qui présente cette femme comme Marina Ovsiannikova, une employée de la chaîne, a rapporté qu'elle avait été arrêtée et emmenée au commissariat.

La scène s'est produite pendant le principal programme d'information du soir de la plus puissante chaîne télévisée du pays, Pervy Kanal, baptisé 'Vremia' ('le temps'), un rendez-vous quotidien suivi par des millions de Russes depuis l'époque soviétique.

Alors que la célèbre présentatrice Ekaterina Andreïeva est en train de parler, Mme Ovsiannikova surgit derrière elle avec une pancarte sur laquelle on peut lire 'Non à la guerre. Ne croyez pas à la propagande. On vous ment, ici'.

'Les Russes sont contre la guerre', peut-on encore lire sur la pancarte sur laquelle le drapeau de l'Ukraine et celui de la Russie sont dessinés.

Quelques secondes d'antenne

Imperturbable, la présentatrice continue de parler quelques secondes pendant que la protestataire scande 'non à la guerre', puis la chaîne précipite la diffusion d'un reportage sur les hôpitaux, mettant fin au direct sur le plateau.

'Une enquête interne est en train d'être menée' sur cet 'incident', a laconiquement déclaré Pervy Kanal dans un communiqué.

Selon l'agence de presse Tass, la jeune femme pourrait être poursuivie pour avoir 'discrédité l'utilisation des forces armées russes'.

Le pouvoir russe a récemment fait voter plusieurs lois prévoyant de lourdes peines pouvant aller jusqu'à 15 ans de prison pour la diffusion de ce que les autorités considèrent comme de 'fausses informations' sur l'armée.

La simple utilisation du mot 'guerre' par des médias ou des particuliers pour décrire l'intervention russe en Ukraine est passible de poursuites.

Dans une vidéo enregistrée préalablement et publiée par OVD-Info, Mme Ovsiannikova explique que son père étant ukrainien et sa mère russe, elle n'arrive pas à voir les deux pays comme ennemis.

'Malheureusement, j'ai travaillé pour Pervy Kanal ces dernières années, faisant de la propagande pour le Kremlin. J'en ai très honte aujourd'hui', dit-elle.

Peuple 'zombifié'

'J'ai honte d'avoir permis que des mensonges soient diffusés à la télévision, honte d'avoir permis que le peuple russe soit 'zombifié'', ajoute-t-elle.

La vidéo s'est propagée comme une traînée de poudre sur les réseaux sociaux, de nombreux internautes, saluant le 'courage' de cette femme, dans un contexte de brutale répression contre toute forme de dissidence.

Depuis le début de l'intervention en Ukraine le 24 février, plusieurs milliers de manifestants ont été arrêtés en Russie, dont plus de 5000 dans la seule journée du 6 mars.

'Le salut de la Russie ne peut venir que de femmes comme elle !', s'enthousiasmait un internaute sur Twitter, pendant qu'un autre appelait à la 'protéger immédiatement'.

Léonid Volkov, un proche de l'opposant Alexeï Navalny, emprisonné depuis l'an dernier après avoir survécu à un empoisonnement, a dit sur Twitter que son mouvement était 'prêt à payer toute amende' qui serait infligée à Mme Ovsiannikova.

Dans leur tentative de contrôler toute information au sujet du conflit, les autorités ont bloqué la plupart des médias encore indépendants, ainsi que les principaux réseaux sociaux, comme Twitter et Facebook.

Résultat, la plupart des Russes n'ont accès qu'à la version délivrée par le gouvernement et les médias, dont Pervy Kanal, d'une 'opération militaire spéciale' visant à 'dénazifier' l'Ukraine et empêcher un 'génocide'.

/ATS