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Tariq Ramadan: les assises requises pour des viols

12.07.2022 16h49 Rédaction / ATS

Tariq Ramadan: les assises requises pour des viols

L'islamologue suisse Tariq Ramadan comparaîtra-t-il bientôt devant une cour d'assises en France? Le parquet de Paris a requis mardi un procès pour des soupçons de viols commis entre 2009 et 2016 sur quatre femmes.

Emblématique de la vague #MeToo, ce dossier avait provoqué la chute de M. Ramadan, figure aussi charismatique que contestée de l'islam européen. Une ex-salafiste devenue militante laïque et une autre femme surnommée «Christelle» avaient déposé plainte fin octobre 2017 contre lui, dénonçant respectivement un viol en 2012 à Paris et en 2009 à Lyon. En février 2018, M. Ramadan avait été mis en examen puis incarcéré pendant dix mois à Fleury-Mérogis, au sud de Paris.

Preuves numériques

Après avoir d'abord nié des relations sexuelles extraconjugales, l'islamologue avait été contraint par les preuves numériques de reconnaître des «relations de domination», rudes mais «consenties».

En février puis octobre 2020, M. Ramadan avait été mis en examen pour des viols sur trois autres femmes. Deux avaient été identifiées par la police sur des photos et des messages retrouvés dans son ordinateur, et la troisième, une ex-escort girl, l'avait accusé en mars 2018 de neuf viols entre 2013 et 2014. Dans un document de 90 pages signé mardi dont l'AFP a eu connaissance, deux magistrates du parquet demandent le renvoi aux assises de l'islamologue de 59 ans pour «viols» sur l'ex-militante salafiste, sur l'ancienne escort-girl et sur une des femmes identifiées sur photo, ainsi que pour 'viol sur personne vulnérable' sur «Christelle».

«Consentement»

La décision finale sur un procès appartient aux deux juges d'instruction chargées de l'enquête. Pour le parquet, 'malgré les dénégations répétées' de M. Ramadan, «il résulte des déclarations de l'ensemble des plaignantes que consentir à une relation sexuelle ne signifie pas consentir à être maltraitée, frappée, sodomisée au point d'en être réduit à un objet dénué de tout consentement».

«Ce n'est pas un blanc-seing qui autorise une fois pour toutes le partenaire à dicter sa loi» 

Ces réquisitions sont «une évidente satisfaction, une grande et essentielle avancée et surtout un soulagement d'être crues par la justice», a réagi Me Eric Morain, avocat de «Christelle» et d'une deuxième plaignante. «Depuis octobre 2017, tout a varié dans la défense de M. Ramadan: sa version des faits comme son argumentation. Une de ses victimes présumées, l'ex-salafiste devenue laïque, n'a jamais varié. Elle a encaissé les pressions tout en gardant le cap. Ce sera pareil jusqu'au procès», a estimé l'un de ses avocats, Me Jonas Haddad.

Trois des conseils de l'islamologue, Mes Philippe Ohayon, Ouadie Elhamamouchi et Nabila Asmane, ont au contraire évoqué un 'coup de poker maladroit' du parquet. «Mais personne n'est dupe. Nous avons prouvé de multiples mensonges et contradictions chez les plaignantes. Jamais le dossier n'a été aussi fragile», ont-ils jugé. Le parquet a requis un non-lieu concernant une première femme qui, après avoir un temps accusé l'islamologue, avait finalement décrit en juin 2020 une relation 'dominant-dominée' à laquelle elle aurait consenti.

«Emprise»

Il a également demandé l'abandon des poursuites sur les accusations d'une seconde femme surnommée «Elvira», écartées rapidement par les enquêteurs faute de substance. Par ailleurs, l'une des quatre femmes pour lesquelles un procès pour viol est demandé, celle identifiée sur photo, a demandé en juin 2021 le retrait de sa plainte.

La défense compte en outre insister en cas de procès sur des messages ou photos suggérant l'adhésion de plusieurs des plaignantes aux relations telles qu'elles se déroulaient. Le parquet a justifié ses réquisitions par une notion qui a rythmé ce dossier: les victimes 'se trouvaient toutes sous emprise' de Tariq Ramadan au regard de l'admiration voire de la vénération qu'(il) exerçait sur elles. Les avocats de M. Ramadan rejettent cette «emprise» et estiment que les plaintes sont le fruit de «déceptions sentimentales ou sexuelles» voire d'un complot politique, dénoncé par leur client.

Nul complot, a rétorqué le ministère public, d'autant que pendant l'instruction d'autres victimes potentielles «ont été identifiées mais n'ont pas souhaité porter plainte, certaines ayant même préféré transiger». Le parquet a évoqué «plutôt une prise de conscience commune ayant permis à certaines d'avoir le courage de dénoncer les faits dont elles ont été victimes».