International

Guerre en Ukraine: «Plus personne n’a la maîtrise du jeu»

09.03.2023 18h30 Rédaction

La guerre en Ukraine dure depuis plus d’un an. Et le conflit ne s’apaise pas, l’Ukraine fait face à une attaque massive des russes ce jeudi. Une situation internationale aux airs de guerre froide. L’éminent professeur Bertrand Badie, spécialiste en relations internationales, est à Genève, à l’initiative de la société de lecture en partenariat avec le FIFDH.

Des frappes russes massives en Ukraine, les plus importantes depuis des semaines, ont fait au moins six morts jeudi. Elles ont aussi privé de courant une partie de la population, ainsi que la centrale nucléaire de Zaporijjia. Plus d’un an après le début de la guerre en Ukraine, le conflit s’enlise. Bertrand Badie rappelle qu’au début, «cela devait être une guerre de conquête, c’est qu’il n’y a pas eu de conquête et que Poutine a perdu cette guerre militaire. Cette guerre militaire s’est déplacée vers une guerre sociale, c’est-à-dire l’expression de cette résistance sociale extraordinaire qui a mis en échec cette guerre militaire. À cette guerre sociale, Poutine a répondu avec une guerre de terrorisation sociale, avec des bombardements et des massacres atroces.» 

Pour l’éminent Professeur, on ne peut pas aujourd’hui parler d’une guerre mondiale mais bien d’une guerre mondialisée. En effet, elle n’implique pas toutes les armées, mais touche l’ensemble de la planète notamment à cause de ses conséquences alimentaires et énergétiques. «C’est un conflit inédit, c’est quelque chose qui n’a pas de thérapeutique connu pour l’instant», glisse-t-il.

«Le militaire n’est plus l’élément structurant»

Interrogé le sens qu’a eu la rencontre entre Joe Biden et Vladimir Poutine, Bertrand Badie rappelle que l’affichage est très important. «Mais ce n’est pas dans cette direction qu’il faut regarder. Même s’il y a incontestablement une partie russo-américaine dans cette guerre, il y a surtout quelque chose de systémique qui vient tout embraser et fait qu’il n’y a plus de jeu stratégique simple. C’est une affaire où s’entremêlent l’économie, le social, le militaire et la diplomatie. Plus personne n’a la maîtrise du jeu, c’est peut-être ça la guerre moderne.»

Hier, le Parlement suisse a refusé d’aller de l’avant sur les livraisons d’armes à l’Ukraine. Les députés ont mis en avant la volonté de préserver la neutralité suisse. «Je me garderais de porter un jugement, souffle le Professeur. Mais je doute de la pertinence du concept de neutralité face à cette conflictualité systémique. Autrefois, il y avait des guerres de face-à-face et dans ce cas, on peut être neutre. Constatez qu’il n’y a plus d’intermédiaire aujourd’hui. C’est un système systémique qui contraint l’ensemble de la planète et qui pèse sur la vie helvétique.»

De là à parler d’une guerre froide? Il ne faut pas comparer selon Bertrand Badie. «Il n’y a pas d’aller-retour dans l’histoire. Aujourd’hui, le militaire n’est plus l’élément structurant. La Guerre froide, c’était un temps où il n’y avait pas d’interdépendance entre les partenaires. C’est le cas aujourd’hui, on l’a vu avec la crise énergétique.» Il note aussi l’absence de guerre d’idéologie et de l’arrivée des pays émergents dans ce conflit.

Bertrand Badie participera ce vendredi soir au forum «Les droits humains, victimes de la société de l’humiliation», organisé par le FIFDH au Théâtre Pitoëff