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Amende de 1000 euros pour Saviano pour avoir diffamé Meloni

12.10.2023 17h49

Amende de 1000 euros pour Saviano pour avoir diffamé Meloni

A sa sortie du tribunal, Roberto Saviano a dénoncé "ce procès (qui) est une intimidation" du gouvernement dirigé par la Première ministre d'extrême droite Giorgia Meloni (Photo d'archives).

Photo: KEYSTONE/EPA ANSA/ANGELO CARCONI

Le journaliste et écrivain italien Roberto Saviano a été condamné jeudi à 1000 euros d'amende pour avoir diffamé la Première ministre d'extrême droite Giorgia Meloni. Il l'avait injuriée en 2020 en raison de ses positions anti-migrants.

L'avocat de l'auteur du best-seller international sur la mafia napolitaine 'Gomorra' a aussitôt annoncé son intention de faire appel, même si le tribunal de Rome jugeant cette affaire s'est contenté d'une peine symbolique, alors que le parquet avait requis une amende de 10'000 euros.

Les avocats de Mme Meloni avaient pour leur part demandé des dommages-intérêts d'un montant de 75'000 euros, estimant que M. Saviano avait 'utilisé un langage excessif, vulgaire et agressif'.

A sa sortie du tribunal, Roberto Saviano, qui encourait jusqu'à trois ans de prison, a dénoncé 'ce procès (qui) est une intimidation' du gouvernement dirigé par Mme Meloni. Avant d'ajouter: 'Il n'y a pas d'honneur plus grand pour un écrivain que de voir ses propres paroles portées devant un tribunal'.

Etaient en cause dans ce procès les déclarations de M. Saviano au cours d'une émission télévisée en décembre 2020 où on lui avait demandé un commentaire sur la mort dans un naufrage d'un bébé de six mois venant de Guinée.

'Vous êtes des salauds!'

Ce nourrisson, Joseph, qui était l'un des 111 migrants secourus par le navire humanitaire Open Arms, était décédé avant d'avoir pu recevoir des soins médicaux. Dans une vidéo tournée par des sauveteurs et montrée à M. Saviano lors de l'émission, on peut entendre la mère du bébé pleurer.

L'écrivain, visiblement bouleversé, avait alors pointé du doigt Mme Meloni et Matteo Salvini, le chef de la Ligue anti-immigration aujourd'hui vice-Premier ministre: 'Je veux juste dire à Meloni, et à Salvini, vous êtes des salauds! Comment avez-vous pu?'

Mme Meloni avait déclaré en 2019 que les navires d'ONG humanitaires qui secourent les migrants 'devraient être coulés', alors que les migrants sauvés par les ONG ne représentent que 5% du total arrivant en Italie. M. Salvini, en tant que ministre de l'Intérieur la même année, avait bloqué l'arrivée de ces navires en Italie. Ce dernier est partie civile au procès.

L'association d'écrivains PEN International, qui défend la liberté d'expression, voit dans ce jugement 'une attaque contre la liberté d'expression'. Sa porte-parole Sabrina Tucci a dénoncé dans un communiqué 'un dangereux avertissement pour tous les écrivains et journalistes, un message invitant à mesurer ses propres paroles pour ne pas risquer de longues batailles juridiques, des difficultés financières, des souffrances psychologiques et la prison'.

Autre procès

Elle a également rappelé que Roberto Saviano était poursuivi dans un autre procès pour diffamation par le vice-Premier ministre Matteo Salvini, chef du parti populiste et anti-migrants de la Ligue, qu'il avait appelé le 'ministre de la pègre'.

PEN International avait exhorté en vain dans une lettre ouverte Mme Meloni, devenue Première ministre, à retirer sa plainte, déposée lorsque la cheffe du parti post-fasciste Fratelli d'Italia était encore dans l'opposition.

Les groupes de défense de la liberté de presse estiment que de tels procès sont symboliques d'une culture en Italie dans laquelle des personnalités publiques, souvent des responsables politiques, intimident les journalistes avec des poursuites judiciaires à répétition. L'Italie se place au 41e rang du classement mondial de la liberté de la presse 2023 publié par Reporters sans frontières.

/ATS