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Appel à Genève de deux Nobel de la Paix à protéger les Ukrainiennes

10.03.2022 11h09

Appel à Genève de deux Nobel de la Paix à protéger les Ukrainiennes

Les Prix Nobel de la Paix Nadia Murad et Denis Mukwege cherchent avec leur Fonds mondial pour les survivantes à Genève à aider les victimes de violences sexuelles dans les conflits.

Photo: KEYSTONE/MARTIAL TREZZINI

Les Prix Nobel de la Paix Nadia Murad et Denis Mukwege appellent à protéger les Ukrainiennes face aux violences sexuelles. Avec leur Fonds mondial pour les survivantes inauguré jeudi à Genève, ils cherchent à apporter réparation aux rescapées de plusieurs conflits.

'Nous suivons de très près la situation en Ukraine', a affirmé à quelques journalistes le docteur Mukwege, qui a reçu le Prix Nobel avec Nadia Murad en 2018. Pour le moment, ils n'ont aucune indication sur des violences sexuelles contre les femmes en lien avec ce conflit.

'Il reste encore une chance d'empêcher' de telles exactions et les dirigeants doivent y contribuer, renchérit de son côté la survivante yézidie, tant cette crise a lieu sous la surveillance des caméras et des photographes. Tout le contraire de ce qu'elle a subi elle-même en Irak, où un génocide, selon la communauté internationale, a été perpétré il y a près de dix ans contre sa minorité.

Mme Murad a pris des contacts ces derniers jours pour tenter de pouvoir parler aux réfugiés qui fuient l'Ukraine. Elle a évalué notamment la possibilité de se rendre à la frontière de Pologne.

La crise ukrainienne est 'innommable', insiste M. Mukwege, habitué à réparer les femmes congolaises victimes de violences sexuelles. Il est très inquiet de voir de nombreuses femmes contraintes de partir de chez elles. Il faudra attendre pour en savoir davantage sur de possibles exactions. 'Sous le choc, les femmes ne parlent pas immédiatement', explique-t-il.

Actif dans plusieurs pays

Et d'appeler les humanitaires à considérer l'assistance en santé reproductive dans le paquet d'aide aux réfugiés, outre les abris, la nourriture et les autres soins. 'Ce serait inadapté qu'on soit surpris de ce qui va arriver', affirme-t-il.

Les flux de personnes qui fuient rappellent à Mme Murad son expérience dans des camps de déplacés pendant un an. 'Quand je vois ces Ukrainiennes qui partent, c'est bouleversant', dit-elle parce qu'elle sait qu''il faudra du temps pour résoudre la situation'. Et il faut se confronter aussi à des camps où vie privée, éducation et hygiène ne sont pas garantis.

Avec son partenaire ukrainien, le Fonds mondial pour les survivantes avait identifié 340 rescapées et rescapés de violences sexuelles dans les violences de ces dernières années, avant même l'offensive russe. Impossible pour le moment de savoir où se trouvent ces personnes.

Plus largement, le Fonds, lancé en 2019 et opérationnel l'année suivante, a déjà permis la réparation intermédiaire pour plus de 2000 victimes en République démocratique du Congo (RDC), en Centrafrique, en Guinée et en Irak. Un soutien large en termes d'abris, de santé et d'éducation a été apporté en considérant les attentes des victimes.

Plusieurs employés à Genève

Une décision judiciaire 'peut attendre des années, des décennies', dit M. Mukwege pour expliquer les raisons de l'entité lancée avec Mme Murad. 'Beaucoup de victimes décèdent avant d'obtenir réparation', ajoute-t-il encore.

Le gouvernement irakien n'a toujours pas aidé les Yézidies. 'J'aurais souhaité qu'il y ait quelque chose comme cela', affirme Mme Murad en parlant du Fonds. Parmi les victimes, environ 1% sont des hommes. Mais il faut dix fois plus de moyens d'accompagnement pour eux, selon M. Mukwege.

Le Nigeria, le Soudan du Sud, le Guatemala et le Népal sont les prochains pays où une réparation sera menée. Le Fonds a aussi entendu plus de 1000 personnes dans plus de 20 Etats. Avec une quinzaine de personnes à Genève, il veut se rapprocher des pays où les rescapées sont aidées.

/ATS