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Comment les cabines de téléconsultation aiguisent les appétits

13.05.2022 09h35

Comment les cabines de téléconsultation aiguisent les appétits

Dans l'Ain, des bornes de téléconsultation médicale sont à disposition de la population. Ce système permet de combler le manque de médecins en attendant de recruter du personnel.

Photo: KEYSTONE/CHRISTIAN BEUTLER

Se faire diagnostiquer angine ou otite à des kilomètres du médecin: les cabines ou bornes de téléconsultation médicale essaiment en France, comme dans l'Ain. Ce secteur en plein essor attise l'appétit des entrepreneurs dans un contexte de déserts médicaux.

Face au manque criant de médecins, le conseil départemental du centre-est de la France a décidé il y a deux ans de s'équiper de ces structures. Et, d'ici quelques semaines, il sera doté de sa sixième cabine de téléconsultation.

Les besoins médicaux sont indiscutablement là. Selon une étude de la Direction de la recherche, des études, de l'évaluation et des statistiques (Drees), jusqu'à 11% de la population française habiterait des territoires sous-dotés en médecins généralistes.

Pour contrer le phénomène, le département de l'Ain tente notamment d'attirer de jeunes médecins internes. Mais en attendant les résultats de cette stratégie à long terme, 'nous avons aussi voulu des réponses immédiates', explique Martine Tabouret, vice-présidente du Conseil départemental.

180 consultations par mois

La toute première cabine a été installée fin 2020 dans l'espace santé de Montréal-la-Cluse. La société de télémédecine clinique, H4D, fournit la structure, dotée d'équipements médicaux qui vont du stéthoscope à l'otoscope connectés, avec l'accès à la plateforme de médecins. Reste au département à mettre en place une personne chargée d'accueillir les patients, qui ont pris rendez-vous en amont.

Un an et demi plus tard, le retour est plutôt positif, estime Martine Tabouret, certaines cabines enregistrant 180 consultations par mois. 'Je pense que cela peut contribuer à 'dé-saturer' les urgences', dit-elle. 'C'est une réponse immédiate, mais j'espère que d'ici 10 à 15 ans, on aura suffisamment de médecins pour que cela soit à la marge', ajoute la vice-présidente.

Forte progression

Le Covid a accéléré le mouvement, et des pharmacies, des maisons de quartier, voire des centres commerciaux, s'y sont mis. La demande éveille indiscutablement l'intérêt du secteur privé. La société H4D a ainsi déjà installé 200 cabines en France. 'Surtout dans des déserts médicaux: nous avons beaucoup d'appels de mairies', explique Franck Baudino, le médecin à l'origine de l'entreprise.

De son côté, Medadom, autre gros acteur du secteur créé en 2017, a déjà 2000 bornes et cabines sur le territoire. 'On propose un médecin en moins de 10 minutes' sans rendez-vous, souligne Nathaniel Bern, l'un des fondateurs, qui note lui aussi une forte progression de l'activité.

Cet engouement a donné des idées à l'entrepreneur Jean-Charles Farina, qui a fondé MediSpot en 2016: un virage après la conception de cabines... pour fumeurs. 'Nous avons regardé ce qui se fait chez les compétiteurs, et avons rajouté des éléments pour permettre l'entrée d'un fauteuil handicapé', souligne-t-il.

Location

Mais ces solutions ont un coût non négligeable, que ce soit à la location ou à l'achat, parfois supporté par les collectivités. 'La première cabine a coûté 100'000 euros', explique Martine Tabouret, avant une baisse des tarifs.

Chez Medadom, la location d'une cabine, avec accès à la plateforme, coûte 490 euros par mois sur 48 mois, soit plus de 23'000 euros. Chez H4D, l'abonnement pour l'implantation d'une grosse cabine revient à environ 2500 euros par mois.

Scepticisme

Par ailleurs, peut-on tout diagnostiquer depuis une cabine, de l'appendicite aux ganglions? 'Certainement pas', réagit Jacques Battistoni, président de MG France, le principal syndicat de médecins généralistes. 'Nous sommes réservés sur ces cabines, qui offrent un diagnostic dégradé par rapport à la consultation en cabinet', juge-t-il.

/ATS