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Hugo Micheron: «La dynamique djihadiste globale n’est pas du tout calme»

03.11.2023 19h25 Rédaction

Micheron

Politologue et maître de conférences à Science Po, Hugo Micheron nous présente «La Colère et l’Oubli», publié chez Gallimard. Il revient sur la montée du djihadisme depuis les années 90.

Récompensé par le Prix du Livre Géopolitique en 2023, retenu dans la sélection du prix Femina de l'essai 2023, acclamé par la critique, «La Colère et l’Oubli» d’Hugo Micheron est reconnue comme une référence sur la thématique du djihadisme. «L’objectif de ce livre était de sortir hors de l'actualité, afin que l’on puisse parler du djihadisme en dehors des attentats ce que l’on fait insuffisamment», explique l’auteur.

Dans ce livre, Hugo Micheron présente le djihadisme comme un phénomène au long cours, qui prend sa source notamment dans la guerre en Afghanistan en 1979. «Le djihadisme ne se limite pas aux attentats. De plus, il y a un point de départ, qui est la guerre en Afghanistan. Cette guerre qui va durer dix ans et va être très dure. Du point de vue occidental, c’est une victoire de la démocratie. Mais ce que l’on n’a pas compris, c’est que c’était le début du djihadisme, puisque les vétérans d’Afghanistan vont rejoindre différents lieux et notamment l’Europe où ils vont mettre en place des structures pour diffuser leurs idées.»

«Aujourd’hui en France, les djihadistes cherchent à déstabiliser l’école car ils considèrent ça comme un lieu d’endoctrinement»

Il évoque les attentats du 13 novembre 2015, de grande ampleur, mais aussi les assassinats de Samuel Paty puis de Dominique Bernard, qui sont des attentats «inspirés», avec des individus qui se réclament de Daesh, ont repris les mots d’ordre de Daesh et choisissent des cibles autour d’eux pour commettre un attentat. «La nouveauté dans le cas de Samuel Paty, c’est que ce djihadiste avait choisi de viser un professeur à la sortie d’un lycée au nom de la logique du tuer des blasphémateurs. Samuel Paty essayait pourtant d’évoquer un débat en classe qui touche à la question des caricatures, qui se produisait ce moment-là car il y avait le procès des attentats de Charlie Hebdo. Trois ans plus tard, lors de l’attentat d’Arras, l’élève va imiter le tueur de Samuel Paty. Ça montre bien qu’aujourd’hui en France, les djihadistes cherchent à déstabiliser l’école car ils considèrent ça comme un lieu d’endoctrinement. L’école est considérée comme une menace dans leur logiciel.»

Le cas de la Suisse est particulier. En effet, le djihadisme en Europe s’organise avec des groupes linguistiques. Ainsi, les dynamiques en Suisse romande vont suivre les dynamiques belges et françaises, alors qu’en Suisse alémanique, les influences seront allemandes et autrichiennes. «La Suisse, en terme de volume, est moins touchée par rapport aux autres pays européens, mais en proportion par rapport à sa taille et à celle de la communauté musulmane en Suisse, il y a quand même un certain nombre de départs. Cela reste gérable, mais il ne faudrait pas que cette question soit secondaire et qu’un réseau endogène se développe.»

«Daesh n’a pas disparu»

À ce propos, Hugo Micheron décrit la situation actuelle comme une marée basse depuis la défaite militaire de Daesh. «Mais Daesh n’a pas disparu, il y a des groupes très actifs en Afghanistan, en Syrie, en Irak et au Sael. Donc la dynamique djihadiste globale n’est pas du tout calme. En ce qui concerne l’Europe, les djihadistes ont besoin d’une crise pour ensuite s’y mêler. La question est de savoir si on se limite à approcher le djihadisme en matière de contre-terrorisme, mais cela veut dire que l’on ne prépare rien. Or, c’est le moment pour commencer à disséminer de nouveaux modes d’action. Si l’on ne se pose pas la question, on est condamné à intervenir trop tard, or l’Europe ne peut pas se permettre de s’exposer à une nouvelle vague d’attentats.»

Interrogé sur la situation au Proche-Orient, il se dit inquiet. Il parle également d’une situation préoccupante en Europe, «où il y a un certain nombre d’acteurs jihadistes et islamistes qui vont s’emparer de l’émotion colossale qui s’exprime sur les réseaux sociaux autour du conflit entre Israël et Gaza pour justifier des passages à l’acte. On l’a vu à Arras, puis à Bruxelles. On voit bien que l’actualité jihadiste est encore là.»