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L'Equateur traumatisé se choisit un président sur fond de violences

20.08.2023 15h05

L'Equateur traumatisé se choisit un président sur fond de violences

Les électeurs se prononcent aussi par référendum sur la poursuite de l'exploitation pétrolière dans la jungle amazonienne de Yasuni (Nord-Est), terre indigène et réserve unique de biodiversité.

Photo: KEYSTONE/AP/JORGE SAENZ

Les électeurs équatoriens ont commencé à voter dimanche pour une élection présidentielle anticipée. Cette dernière est bouleversée par l'assassinat de l'un des principaux candidats sur fond de vague de violences sans précédent liée au narcotrafic en pleine expansion.

Le scrutin se déroule douze jours après la mort à Quito, sous les balles d'un commando de tueurs à gage colombiens, du centriste Fernando Villavicencio, un ex-journaliste de 59 ans qui était en deuxième position dans les sondages.

L'assassinat a traumatisé le pays et rebattu les cartes d'un scrutin pour lequel aucun des huit candidats ne semble en mesure de l'emporter à la majorité absolue et d'éviter un second tour le 15 octobre.

Dimanche, les bureaux de vote ont ouvert à 07h00 (14h00 heure suisse). Les 13,4 millions d'électeurs auront jusqu'à 17h00 (minuit heure suisse) pour élire leur président, leur vice-président et les 137 députés du Congrès monocaméral.

Institutions menacées

Longtemps oasis de paix en Amérique latine, l'Equateur a été contaminé ces dernières années par le trafic de drogue venant Colombie et du Pérou, et sponsorisé par les cartels mexicains. Au point de menacer les institutions et de ressembler à la Colombie sanglante des années 1990.

Si la côte Pacifique avec son port stratégique de Guayaquil est longtemps restée l'épicentre des violences, Quito vit désormais dans la peur. Le taux d'homicides à l'échelle nationale a doublé en 2022 et battra des records cette année. Depuis 2021, plus de 430 détenus se sont entretués en prison dans des massacres entre gangs rivaux.

A cette violence s'ajoute une crise institutionnelle privant le pays de Congrès ces trois derniers mois après la décision de l'impopulaire président conservateur sortant Guillermo Lasso d'appeler à des élections anticipées pour éviter une mise en accusation pour corruption.

'Peur et pessimisme'

'Les Equatoriens vont voter avec trois sentiments', résume à l'AFP Santiago Cahuasqui, politologue à l'Université internationale SEK: 'la peur de l'insécurité, le pessimisme sur la situation économique et la méfiance envers la classe politique'.

Le nouveau président sera élu jusqu'en mai 2025 soit la fin théorique du mandat de M. Lasso.

Une avocate socialiste amatrice de tatouages, un journaliste désigné au dernier moment pour remplacer son ami tombé sous les balles et un ex-franc-tireur de la Légion étrangère française se disputeront les votes, parmi huit candidats vivant dans la crainte d'un attentat et ne sortant plus sans gilets pare-balles, et sous escorte armée.

'Le relais est une nécessité éthique'

Le temps ayant manqué pour imprimer de nouveaux bulletins de vote, le visage du défunt Villavicencio figurera toujours sur ceux de son remplaçant au pied levé, le journaliste Christian Zurita, 53 ans.

Meilleur ami et collègue de Villavicencio, il a été de toutes les enquêtes ayant mis au jour d'importants scandales de corruption. La principale avait abouti à la condamnation de l'ancien président socialiste Rafael Correa (2007-2017) à huit ans de prison, le forçant à l'exil.

'Le relais est une nécessité éthique', a déclaré M. Zurita à l'AFP, promettant en cas de victoire d'appliquer le programme anti-corruption de son ami assassiné.

'Menaces de mort' dénoncées

Samedi, son parti Construye (centriste) a dénoncé des 'menaces de mort' envers lui sur les réseaux sociaux. 'Tremble, Cristian', a commenté sur le compte TikTok du candidat l'utilisateur 'Cartel Jalisco N, G', selon le parti. 'Les menaces contre ma vie et mon équipe ne nous arrêterons pas', a répliqué M. Zurita sur X (ex-Twitter).

Peu avant son assassinat, Villavicencio avait déclaré avoir été menacé par un chef de gang emprisonné dont le groupe, 'Los Choneros', serait lié au cartel mexicain de Sinaloa.

Sentiment anti-Correa

La rivale de M. Zurita, seule femme dans la course à la présidence, Luisa Gonzalez, 45 ans, fut longtemps conseillère de M. Correa et a promis d'en faire son conseiller en cas de victoire.

Mme Gonzalez était la favorite des sondages jusqu'à l'assassinat de Villavicencio. Mais la mort tragique de l'ex-journaliste 'a exacerbé le sentiment anti-Correa', estime M. Cahuasqui.

Derrière Mme Gonzalez et M. Zurita viennent l'ancien tireur d'élite et ex-parachutiste Jan Topic (droite), le chef indigène Yaku Pérez (gauche) et l'ancien vice-président Otto Sonnenholzner (droite), selon les sondages de début août.

Forces de l'ordre déployées

La courte campagne électorale a été marquée par trois autres assassinats: un maire d'un grand port, un candidat au Congrès et un dirigeant corréiste local.

Surnommé le 'Bukele équatorien' en référence au dirigeant salvadorien à poigne Nayib Bukele, Topic, 40 ans et ancien de la Légion étrangère française, est le candidat qui, après l'assassinat de Villavicencio, semble avoir marqué des points auprès des électeurs, séduits par son discours musclé contre la criminalité.

Alors que le pays vit sous état d'urgence depuis plus d'une semaine, militaires et policiers seront déployés pour le vote de dimanche. Les premiers résultats doivent être publiés dans la nuit.

Amazonie ou pétrole

Les électeurs se prononcent aussi ce dimanche par référendum sur la poursuite de l'exploitation pétrolière dans la jungle amazonienne de Yasuni (Nord-Est), terre indigène et réserve unique de biodiversité. Une consultation 'historique' aux yeux des défenseurs de l'environnement et de la cause indigène.

/ATS