L'armée soudanaise annonce un cessez-le-feu au premier jour de l'Aïd
Militaires et paramilitaires se sont livrés à d'intenses combats de rue vendredi à Khartoum, selon des témoins, alors que les belligérants ont ignoré de multiples appels au cessez-le-feu à l'occasion de la fête de l'Aïd el-Fitr, la fin du mois sacré du Ramadan.
A la mi-journée, des frappes aériennes ont à nouveau fait trembler le centre de Khartoum, non loin du QG de l'état-major de l'armée, ont rapporté des témoins. Le bruit des armes était incessant depuis la nuit, comme c'est le cas quotidiennement depuis le début des combats le 15 avril, qui ont fait 413 morts et 3551 blessés, selon l'Organisation mondiale de la santé (OMS).
De nouveaux hôpitaux ont été fortement endommagés à Khartoum, et quatre établissements ont été touchés à al-Obeid, à 350 km au sud de la capitale, souligne le syndicat des médecins. Selon lui, '70% des hôpitaux en zone de combat sont hors service'.
'Patients à même le sol'
Les combats opposent depuis six jours l'armée régulière du général Abdel Fattah al-Burhane, chef de facto du Soudan depuis le putsch de 2021, et les paramilitaires des Forces de Soutien Rapide (FSR) du général Mohamed Hamdane Daglo, principalement à Khartoum et au Darfour (ouest).
Au Darfour, l'une des régions les plus pauvres du Soudan, 'la situation est catastrophique', raconte un docteur de Médecins sans frontières (MSF). 'Il y a tellement de patients qu'ils sont soignés à même le sol dans les couloirs parce qu'il n'y a tout simplement pas assez de lits', dit-il.
L'armée de l'air, qui vise les FSR disséminées dans les zones résidentielles, n'hésite pas à larguer des bombes. Dans ce chaos, '70% des 74 hôpitaux de Khartoum et des zones touchées par les combats ont été mis hors d'usage', rapporte le syndicat des médecins.
Appels à la trêve
Les consultations diplomatiques, elles, s'intensifient: le ministre britannique des Affaires étrangères, James Cleverly, a écourté une tournée en Asie-Pacifique 'à cause de la situation au Soudan'.
Jeudi, le secrétaire général de l'ONU, Antonio Guterres, et le secrétaire d'Etat américain, Antony Blinken, avaient appelé à un cessez-le-feu durant 'au moins' les trois jours de l'Aïd.
'Gravement préoccupée par l'escalade en cours et le lourd bilan humanitaire au Soudan', la Suisse a elle aussi 'exhorté les deux parties à tenir compte des appels mondiaux en faveur d'un cessez-le-feu immédiat', écrit le Département fédéral des affaires étrangères (DFAE) sur Twitter.
Evacuations envisagées
Le général Daglo était depuis le putsch d'octobre 2021 le numéro deux du général Burhane. Ce dernier est apparu jeudi pour la première fois depuis le début des hostilités à la télévision d'Etat. 'Pour l'Aïd, notre pays saigne: la destruction, la désolation et le bruit des balles ont pris le pas sur la joie', a-t-il déclaré.
De leur côté, les Etats-Unis, ont annoncé l'envoi de militaires dans la région pour faciliter une éventuelle évacuation de leurs ambassades et ressortissants; la Corée du Sud et le Japon vont eux envoyer des avions alors que l'aéroport est fermé depuis samedi.
L'Union européenne, elle, multiplie les contacts pour obtenir un cessez-le-feu de trois jours qui permettrait d'évacuer par voie terrestre ses quelque 1500 ressortissants pris dans les combats à Khartoum, a annoncé vendredi un responsable européen.
'Les conditions sécuritaires ne sont pas réunies pour envisager une telle opération pour le moment, mais nous serons prêts le moment venu', a-t-il dit. L'opération est coordonnée par la France et la Grèce. A Berne, le DFAE a de son côté estimé que la situation ne permet pas un départ organisé pour le personnel de l'ambassade de Khartoum et la centaine de Suisses sur place.
Cadavres sur les routes
Femmes et enfants majoritairement se pressent sur les routes pour fuir, entre points de contrôles et cadavres.
Les armes ont commencé à parler quand les deux généraux ne sont pas parvenus à s'accorder sur les conditions d'intégration des FSR aux troupes régulières, pour finaliser l'accord politique sur le retour des civils au pouvoir. Depuis, 10'000 à 20'000 personnes, surtout des femmes et des enfants, sont passés au Tchad voisin, selon l'ONU.
Les deux côtés multiplient les annonces de victoire et s'accusent mutuellement d'avoir commencé ou rompu les multiples trêves promises, des affirmations impossibles à vérifier sur le terrain tant le danger est permanent.
Les humanitaires ont pour la plupart été forcés de suspendre leur aide après que trois employés du Programme alimentaire mondial (PAM) ont été tués. Vendredi, l'Organisation internationale pour les migrations (OIM) a annoncé la mort d'un de ses humanitaires victime d'un échange de tirs au sud d'al Obeid.
'Ni Burhane ni Daglo n'ont l'air de vouloir céder, la situation pourrait encore empirer', estime le centre de recherche International Crisis Group (ICG). Selon lui, 'un conflit de longue durée serait la ruine du Soudan', le troisième producteur d'or d'Afrique où plus du tiers de la population souffre de la faim.
/ATS