La Suisse est condamnée après une manif du 1er Mai à Zurich
La Suisse est condamnée par la CourEDH à Strasbourg à la suite d'une manifestation du 1er Mai à Zurich (archives).
Photo: KEYSTONE/CHRISTIAN BEUTLERLa Cour européenne des droits de l'homme condamne la Suisse pour des mesures policières prises lors du 1er Mai 2011 à Zurich. Elle estime que les droits de deux manifestants ont été violés par leur encerclement puis par leur détention.
Selon la décision de la Cour européenne des droits de l'homme (CourEDH) rendue mardi, la police zurichoise a violé les droits à la liberté et à la sûreté (article 5 de la Convention) des deux intéressés. La Suisse est condamnée à payer une indemnité pour tort moral de 1000 euros à chacun d'entre eux et des frais et dépens de 10'000 euros au total.
Cas bâlois de 2023 montré du doigt
Interrogé par Keystone-ATS, Viktor Györffy, avocat des deux recourants, estime que cette décision montre clairement que la police n'a pas le droit de priver de leur liberté de nombreux manifestants par des tactiques d'encerclement. 'Concrètement, cette pratique ne peut pas être engagée conformément à la Convention.'
Face aux médias réunis à Zurich, l'avocat a évoqué, à titre d'exemple, l'encerclement, cette année, d'une partie du cortège du 1er Mai à Bâle par la police. Selon lui, il en va de même de toute manifestation non autorisée qui se déroule de manière pacifique. Par ailleurs, la vérification des identités de manifestants non violents ne se justifie pas. La police doit donc adapter sa pratique à la décision de la CourEDH, souligne Viktor Györffy.
Profilage racial en cause à l'avenir?
Les deux plaignants ont déploré la longue durée et 'le manque de clarté' de la procédure juridique dans leur cas. 'Cette réalité m'a fait perdre la foi en l'Etat de droit', confie l'un d'entre eux, Felix Marthaler.
L'autre, Lukas Arnold, a exigé que la police cesse d'emmener des migrants au poste pour vérifier leur identité et la légalité de leur séjour en Suisse, pratique qu'il a qualifiée de 'profilage racial' contraire à la Convention des droits de l'homme. Il en va de même, à ses yeux, de 'l'attitude répressive' de la police face à l'extrême gauche non parlementaire.
Encerclement et arrestations
Les faits s'étaient déroulés après le cortège du 1er Mai 2011 à Zurich. La police avait eu recours à une technique d'encerclement - appelée 'kettling' - pour isoler quelque 500 personnes, certaines masquées - qui s'étaient attardées après la manifestation. Ces personnes avaient été ensuite interpellées et soumises à un contrôle d'identité approfondi au poste de police. Les deux recourants avaient été relâchés en soirée.
La justice zurichoise, puis le Tribunal fédéral avaient justifié ces mesures par les violences qui avaient émaillé les manifestations des années précédentes. En 2011 également, des groupes d'extrême gauche avaient appelé à se mobiliser.
Pour les juges de Strasbourg, la Suisse n'a pas établi qu'une arrestation était nécessaire pour procéder au contrôle d'identité. Sur la voie publique, les deux requérants avaient été en mesure d'attester de leur identité. En cas de doute, la police aurait pu procéder à une vérification par radio. Dans ces conditions, il n'est pas exclu que la détention ait eu un but chicanier, ajoute la cour.
Ordre de dispersion
Strasbourg rappelle aussi que la mise en place d'un cordon de police pour prévenir des débordements implique qu'un ordre de dispersion a été donné au préalable. Or tel n'a pas été le cas le 1er Mai 2011 à Zurich. En outre, les deux recourants se trouvaient sur l'Helvetiaplatz et non sur la Kanzleiareal où les indices de troubles étaient les plus marqués.
La CourEDH relève enfin que les motifs invoqués par la Suisse - violences antérieures, appels de l'extrême gauche, troubles lors de la partie officielle - sont d'ordre général. Ils ne permettent pas de supposer que les deux intéressés avaient l'intention de participer à la manifestation illégale, ni de commettre des infractions.
Dans ces conditions, les principes de proportionnalité et de nécessité justifiant la détention n'ont pas été respectés, concluent les juges de Strasbourg. Une violation de l'article 5 CEDH par la Suisse est donc constatée. (requêtes 77686/16 et 76791/16)
/ATS