La Syrie enterre ses morts - Ankara frappe à nouveau les Kurdes
Les proches des victimes tuées jeudi lors d'une attaque de drone qui a touché une cérémonie de remise de diplômes militaires participent à la procession funéraire au milieu de la foule à Homs.
Photo: KEYSTONE/AP/Abdelrahman ShaheenLes bombardements sur les zones rebelles en Syrie se sont poursuivis vendredi soir, causant la mort de neuf civils supplémentaires, en réponse à une attaque de drones la veille contre une cérémonie de promotions d'officiers ayant fait plus d'une centaine de morts.
Dans le nord-est contrôlé par les Kurdes, l'armée turque a mené de nouveaux raids contre des infrastructures vitales, portant le bilan à 15 morts.
L'attaque jeudi contre l'académie militaire de Homs, dans le centre du pays sous contrôle du pouvoir central, est l'une des plus sanglantes contre l'armée depuis le début de la guerre en 2011.
Des dizaines de proches de victimes s'étaient rassemblés tôt le matin, le visage fermé, devant l'hôpital militaire de Homs d'où les ambulances transportaient les dépouilles des officiers et des membres de leurs familles vers leur dernière demeure. Des soldats portant des couronnes précédaient les cercueils, au son d'une musique militaire.
Panique
Des vidéos publiées sur les réseaux sociaux ont montré des victimes tombant à terre et des blessés appelant à l'aide pendant l'attaque, au milieu de scènes de panique, alors que des coups de feu étaient entendus.
L'attaque a fait 89 morts parmi lesquels 31 femmes et cinq enfants, ainsi que 277 blessés, selon les autorités syriennes.
L'Observatoire syrien des droits de l'homme (OSDH) a pour sa part donné un bilan plus lourd de 123 morts incluant 54 civils parmi lesquels 39 enfants, et quelque 150 blessés.
Le ministre de la Défense, Ali Mahmoud Abbas, a assisté aux funérailles d'une trentaine de militaires et de civils à Homs. Il participait à la cérémonie jeudi mais était parti avant l'attaque des drones, intervenue vers la fin de l'événement, selon un témoin et l'OSDH.
Les autorités ont proclamé trois jours de deuil et demandé que des prières soient récitées pour les morts dans les mosquées vendredi.
L'attentat n'a pas été revendiqué. Les forces syriennes ont repris en 2017 le contrôle de la ville d'Homs, qui fut un bastion des rebelles, et la province éponyme est éloignée des lignes de front.
Des groupes djihadistes qui contrôlent une partie du territoire syrien, mais également les combattants du groupe Etat islamique, malgré sa défaite territoriale, ont parfois recours aux drones pour attaquer les forces syriennes et leur allié russe.
Le président russe, Vladimir Poutine, a assuré dans un message de condoléances à son homologue syrien, Bachar al-Assad, qu'il avait 'l'intention de poursuivre (la) coopération étroite avec les partenaires syriens pour lutter contre toute forme (...) de terrorisme'.
Riposte
Vendredi soir, l'armée syrienne, qui avait promis de 'riposter fermement', a repris les bombardements de représailles contre le dernier bastion rebelle du pays, dans le nord-ouest, faisant au moins 24 morts civils en près de 24h, selon l'OSDH.
Dans la soirée, neuf civils, dont cinq mineurs, ont été tués dans les bombardements au lance-roquettes multiples (LRM) dans la province d'Idleb, a indiqué l'ONG.
Dans un hôpital de la ville éponyme, le personnel semblait dépassé face à l'afflux de blessés, selon un correspondant de l'AFP.
Les rues étaient quasiment désertes, les habitants se terrant chez eux au milieu de rumeurs de nouvelles frappes.
L'aviation russe poursuivait également ses raids sur la région d'Idleb. Plus tôt dans la journée, un enfant a été tué par une frappe russe, selon l'ONG.
Le secrétaire général de l'ONU, Antonio Guterres, a exprimé son inquiétude après l'escalade en Syrie. De son côté, l'envoyé spécial de l'ONU pour la Syrie, Geir Pedersen, a appelé jeudi à 'une désescalade immédiate'.
Déclenché en 2011, le conflit en Syrie a fait plus d'un demi-million de morts et morcelé le pays.
Dans le nord-est où les Kurdes ont établi une administration autonome, la Turquie a mené vendredi, pour le deuxième jour consécutif, une série de raids sur des infrastructures, ciblant les principales centrales à gaz.
Ces nouvelles frappes ont porté le bilan de deux jours de bombardements à 15 morts, dont huit civils, selon les responsables kurdes, qui avaient donné un premier bilan de 16 morts.
Les Forces démocratiques syriennes (FDS), dominées par les kurdes, ont répondu vendredi en ciblant deux bases sous contrôle des forces turques et des factions pro-Ankara dans l'ouest de la province de Hassaké.
Les FDS ont en outre appelé dans un communiqué leurs alliés américains et russes 'à montrer une position claire en réponse aux attaques de l'occupation turque contre les civils, les services publics et les institutions civiles'.
Un membre des forces spéciales turques, blessé dans une attaque de missile contre une base militaire turque dans le nord de la Syrie, est en outre décédé, ont annoncé vendredi les autorités turques.
Incident et accord turco-américains
La Turquie affirme avoir agi en représailles à un attentat qui a visé dimanche le ministère de l'Intérieur à Ankara, blessant deux policiers.
Le chef de la diplomatie turque Hakan Fidan a déclaré vendredi à son homologue américain Antony Blinken que les frappes aériennes d'Ankara en Syrie se poursuivraient malgré la destruction par les Etats-Unis d'un drone turc.
L'entretien téléphonique entre les deux hommes a eu lieu un jour après qu'un chasseur américain a abattu un drone de combat turc qui visait les forces kurdes soutenues par Washington en Syrie.
Il s'agissait du premier incident de ce type entre les alliés de l'OTAN.
Les deux hommes sont parvenus à un accord sur les moyens de désamorcer les futurs conflits dans la région 'd'une manière qui n'entraverait pas notre lutte contre le terrorisme', a ajouté la même source.
/ATS