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Le Nobel de la paix à la militante iranienne Narges Mohammadi

06.10.2023 11h08

Le Nobel de la paix à la militante iranienne Narges Mohammadi

La militante et journaliste de 51 ans est récompensée "pour son combat contre l'oppression des femmes en Iran et sa lutte pour la promotion des droits humains et la liberté pour tous", a déclaré la présidente du comité Nobel norvégien, Berit Reiss-Andersen, à Oslo.

Photo: La militante et journaliste de 51 ans est récompensée "pour son combat contre l'oppression des femmes en Iran et sa lutte pour la promotion des droits humains et la liberté pour tous", a déclaré la présidente du comité Nobel norvégien, Berit Reiss-Andersen, à Oslo.

Le Nobel de la paix a couronné vendredi la militante iranienne des droits humains Narges Mohammadi. Cette dernière est actuellement dans une geôle de la République islamique après avoir pris part au soulèvement 'Femme, Vie, Liberté'.

La militante et journaliste de 51 ans est récompensée 'pour son combat contre l'oppression des femmes en Iran et sa lutte pour la promotion des droits humains et la liberté pour tous', a déclaré la présidente du comité Nobel norvégien, Berit Reiss-Andersen, à Oslo.

Le comité 'espère' que le régime libérera Narges Mohammadi. La famille de la militante a salué 'un moment historique pour le combat pour la liberté en Iran'. Pour l'ONU, ce prix distingue plus généralement 'le courage et la détermination des femmes iraniennes'.

Maintes fois condamnée

Vice-présidente du Centre des défenseurs des droits de l'Homme fondé par Shirin Ebadi, elle aussi prix Nobel en 2003, Narges Mohammadi a été maintes fois condamnée et emprisonnée depuis 25 ans pour son engagement contre le voile obligatoire pour les femmes, et la peine de mort.

A l'annonce de sa distinction, l'ONU a demandé sa libération. 'J'en appelle à l'Iran: libérez-la, faites quelque chose de digne et libérez la lauréate du Nobel', a abondé Mme Reiss-Andersen auprès de l'AFP.

Elle est récompensée alors que l'Iran a été traversé l'an dernier par un vaste mouvement de contestation déclenché par la mort d'une Kurde iranienne de 22 ans, Mahsa Amini, après son arrestation à Téhéran pour non respect du strict code vestimentaire islamique.

Une adolescente de 16 ans, Armita Garawand, est aussi actuellement dans le coma après, selon l'ONG de défense des droits des Kurdes d'Iran Hengaw, avoir été 'agressée' par des membres de la police des moeurs chargés de faire appliquer l'obligation de porter le voile.

Mouvement désormais 'irréversible'

'Le mouvement a accéléré le processus de démocratie, de liberté et d'égalité', désormais 'irréversible', écrivait le mois dernier à l'AFP Narges Mohammadi depuis sa cellule.

Elle-même et trois codétenues ont brûlé leur voile dans la cour de la prison d'Evin à Téhéran pour marquer l'anniversaire de la mort de Mahsa Amini le 16 septembre.

Iran 143e sur 146 pour l'égalité

L'Iran se situe à la 143e place - sur 146 pays - du classement du Forum économique mondial (WEF) sur l'égalité des sexes.

Le soulèvement 'Femme, Vie, Liberté' - un slogan avec lequel Mme Reiss-Andersen a entamé son annonce vendredi, y a été violemment réprimé: 551 manifestants, dont 68 enfants et 49 femmes, ont été tués par les forces de sécurité, selon l'ONG Iran Human Rights (IHR), et des milliers d'autres arrêtés.

La contestation continue

Si la contestation est désormais plus diffuse, elle se poursuit sous différentes formes, posant aux autorités iraniennes l'un des plus grands défis depuis la révolution de 1979.

Scènes encore inimaginables il y a un an, des femmes sortent aujourd'hui dévoilées dans les lieux publics malgré les risques. En septembre, le Parlement iranien, majoritairement conservateur, a durci les sanctions visant les femmes qui refusent le voile.

Contre tous les régimes phallocrates

'Le prix de cette année récompense également les centaines de milliers de personnes qui, au cours de l'année écoulée, ont manifesté contre les politiques des régimes théocratiques en matière de discrimination et d'oppression contre des femmes', a dit Mme Reiss-Andersen.

La famille de la lauréate a salué 'un moment historique pour le combat pour la liberté en Iran' et le chef de l'ONU, Antonio Guterres, a rendu 'un hommage à toutes ces femmes qui se battent pour leurs droits au péril de leur liberté, de leur santé et même de leur vie'.

Cette récompense 'est un rappel important que les droits des femmes et des filles font face à un fort recul, y compris à travers la persécution des défenseurs des droits des femmes, en Iran et ailleurs', a-t-il déclaré dans un communiqué.

Les Etats-Unis ont salué vendredi le 'courage' de la militante iranienne. 'Narges Mohammadi est une héroïne pour tant de gens en Iran et à travers le monde. Aujourd'hui le monde entier reconnaît d'une seule voix son courage', a déclaré dans un message sur le réseau social X (ex-Twitter) l'émissaire américain pour l'Iran Abram Paley.

L'Iran condamne une action 'partiale et politique'

Si la Russie, alliée de Téhéran, a choisi de ne pas réagir, la Commission européenne, l'Otan ou encore l'Allemagne se sont aussi réjoui de la décision du comité Nobel. 'C'est une reconnaissance du courageux et noble combat des femmes iraniennes qui bravent l'oppression à leurs risques et périls', a dit Ursula von der Leyen. Un 'choix très fort pour une combattante de la liberté', s'est félicité le président français, Emmanuel Macron.

Sans surprise, l'Iran a vivement critiqué la remise du Nobel de la paix à la militante emprisonnée, qualifiant ce choix de 'politique et partial', selon un communiqué du ministère des Affaires étrangères iranien.

'Nous constatons que le Comité Nobel a attribué le Prix de la paix à une personne qui a été reconnue coupable de violations répétées des lois et qui a commis des actes criminels. Nous condamnons une action partiale et politique'.

L'agence de presse iranienne lcal Tasnim a fait part de l'information, décrivant Narges Mohammedi comme une personne détenue pour ses 'actions anti-iraniennes' et subversives.

Selon le comité Nobel, Narges Mohammadi a été arrêtée 13 fois et condamnée cinq fois à un total de 31 ans de prison et 154 coups de fouet. De nouveau incarcérée en 2021, elle n'a pas vu ses enfants - qui vivent en France avec son mari - depuis huit ans.

Autre Iranienne récompensée il y a 20 ans

Il y a 20 ans, le Nobel avait déjà été attribué à une Iranienne, l'avocate Shirin Ebadi, récompensée 'pour ses efforts en faveur de la démocratie et des droits humains', et plus particulièrement ceux des femmes et des enfants dans son pays.

En 2003, Mme Ebadi avait défié les conservateurs iraniens en recevant son Nobel à Oslo sans porter de hijab.

Si elle reste derrière les barreaux, Narges Mohammadi ne pourra pas se rendre dans la capitale norvégienne pour recevoir son Nobel - un diplôme et une médaille d'or assortis de 11 millions de couronnes (près de 980'000 euros) - le 10 décembre.

Le prix de la paix a récompensé à plusieurs reprises des militants emprisonnés, dont le Bélarusse Ales Beliatski l'an dernier, représenté par son épouse à la cérémonie Nobel, et le Chinois Liu Xiaobo dont le fauteuil était resté symboliquement vide en 2010.

/ATS