Le président français Macron joue sa majorité au Parlement
La première ministre française Elisabeth Borne va s'attacher à "construire une majorité d'action".
Photo: KEYSTONE/AP/Ludovic MarinEmmanuel Macron a subi un désaveu majeur dimanche au second tour des législatives en France. Il a perdu sa majorité absolue à l'Assemblée nationale ce qui va compliquer sa capacité à gouverner dans un scrutin marqué par la forte poussée du RN et de la gauche.
Si ces résultats se confirment, le président français, réélu en avril, devra trouver des alliances pour mettre en oeuvre son programme de réformes dans les cinq prochaines années face à des oppositions déterminées à ne lui faire aucun cadeau. Ce qui pourrait, selon les observateurs, plonger le pays, peu habitué aux compromis parlementaires, dans une instabilité politique chronique.
'Ce sera beaucoup plus difficile de gouverner surtout s'il y a une alliance de toutes les oppositions', confie à l'AFP Dominique Rousseau, professeur de droit constitutionnel à l'université Panthéon-Sorbonne. Selon lui, 'le rôle du Parlement sera réhabilité' à l'image de ce qui se passe dans 'tous les autres pays européens'.
'Pas d'alternative'
'Nous travaillerons dès demain à construire une majorité d'action, il n'y a pas d'alternative', a assuré la Première ministre Elisabeth Borne, elle-même élue de peu dans le Calvados, en affirmant que cette 'situation inédite constitue un risque pour notre pays'.
La France ne sera pas 'ingouvernable', mais il 'va falloir faire preuve de beaucoup d'imagination', a concédé le ministre de l'Economie Bruno Le Maire, tandis que le ministre des Comptes publics, Gabriel Attal, un proche du président, reconnaissait qu'il leur faudra 'dépasser nos certitudes, nos clivages'.
Pour la majorité présidentielle, la soirée électorale a pris la forme d'une 'gifle', comme le décrivait Libération, malgré le fait que la coalition Ensemble! du président est arrivée en tête du scrutin.
Selon les projections des instituts de sondage, Ensemble! obtiendrait entre 210 et 260 sièges, très loin de la majorité absolue de 289 députés (sur 577) à l'Assemblée nationale. La répartition précise des 577 sièges à l'Assemblée nationale ne devrait être connue que plus tard dans la nuit.
'Jaillissement' ou 'tsunami'
Pour sa part, l'alliance de gauche Nupes se situe entre 150 et 200 députés, et devient le premier groupe d'opposition à l'Assemblée, en lieu et place de la droite, selon ces projections.
La gauche unie échoue à imposer une cohabitation à M. Macron comme elle l'avait pronostiqué. Mais son chef Jean-Luc Mélenchon n'en a pas moins parlé de 'déroute du parti présidentiel', se félicitant du ' grand jaillissement' de la gauche.
Le Rassemblement national (RN) obtient lui entre 60 et 100 députés selon les projections. Il multiplie par quinze son nombre de députés et franchit le seuil requis pour former un groupe à l'Assemblée nationale, une première depuis plus de 35 ans.
Marine Le Pen, largement réélue dimanche soir, a promis d'incarner une opposition 'ferme', 'sans connivence' mais 'responsable et respectueuse' des institutions. 'C'est une vague bleu marine partout dans le pays', s'est réjoui le président par interim du parti, Jordan Bardella, allant jusqu'à parler d'un 'tsunami'.
LR en arbitre ?
La droite classique (LR), elle, sauve les meubles avec une soixantaine de députés. Elle pourrait se retrouver en position d'arbitre.
L'un de ses responsables, Jean-François Copé, a appelé dimanche soir à un pacte face aux 'extrêmes' entre son parti et la majorité. Mais le président de LR Christian Jacob a rejeté les appels du pied du camp macronien. 'Nous sommes dans l'opposition, nous resterons dans l'opposition', a-t-il affirmé.
Sans surprise, ce scrutin, le quatrième en deux mois après la présidentielle, a été boudé par les Français. Le taux d'abstention devrait atteindre entre 53,5% et 54%, sans battre le record de 2017 (57,36%), selon les instituts de sondage.
Ministres battus
Symboles de la claque reçue, les défaites des chefs de file de la macronie à l'Assemblée, deux intimes de M. Macron: le président Richard Ferrand et le patron des députés LREM Christophe Castaner. Au moins trois ministres, Amélie de Montchalin (Transition écologique), Brigitte Bourguignon (Santé) et Justine Benin (Mer) ont aussi mordu la poussière et devront quitter les rangs de l'exécutif.
Annoncés en difficulté à Paris, le ministre de la Transformation et de la Fonction publiques Stanislas Guerini et le ministre délégué à l'Europe Clément Beaune ont en revanche annoncé leur victoire.
/ATS