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Nando Parrado: «Nous ne sommes pas des héros»

18.10.2024 19h11 Julie Zaugg

Il est l’un des 16 rescapés du crash d’avion survenu en 1972 dans la cordillère des Andes. De passage à Genève pour une conférence il nous a raconté son incroyable histoire, le récit de deux mois et demi perdu à 3’500m d’altitude. 

Rugbyman, pilote automobile, business man et homme de télévision, Fernando Parrado, alias Nando Parrado, est pourtant connu pour tout autre chose. Il est l’un des 16 rescapés du crash d’avion dans la cordillère des Andes en 1972. 72 c’est aussi le nombre de jours passés sur place, perdu dans ces montagnes hostiles avant d’obtenir de l’aide des secours. 

Nando Parrado donnait jeudi soir une conférence à Genève sur une invitation de la SPG. Il a raconté son incroyable histoire, celle d’un joueur de rugby de l’équipe d’Uruguay qui part à 21 ans avec ses coéquipiers à bord d’un avion pour disputer un match au Chili. Sa mère et sa sœur sont avec eux. Lorsque le crash survient, une partie des passagers meurt sur le coup. Pour les autres, il s’agit très vite de s’organiser et d’après Nando Parrado, le rugby les a sauvés.

«Si cela avait été un avion commercial, personne n'aurait survécu»

«Il existe de nombreux sports d'équipe dans le monde, mais le rugby est le seul où le nom du joueur n'apparaît pas dans le dos du maillot. Tout le monde est égal, explique-t-il. Seules les personnes ayant joué au rugby peuvent comprendre ce sentiment, cet amour, cette confiance que vous avez envers vos coéquipiers. Si cela avait été un avion commercial, personne n'aurait survécu. Nous étions une équipe. Une demi-heure après le crash, nous travaillions déjà ensemble.» Il salue le rôle de leader du capitaine de l’équipe, sans formation de survie et qui découvrait la neige: «Il a pris des décisions qui ont été le premier maillon de cette chaîne de miracles.»

Car c’est en effet un miracle qui s’est produit. Au bout de dix jours, un transistor à disposition des passagers annonce que les recherches sont abandonnées. «C'est une confirmation de ta mort. Tu vas mourir, il n'y a aucune issue. Mais ensuite, nous nous sommes dit, "OK les gars, il faut se rassembler. Nous sommes une équipe. Maintenant, nos vies dépendent de nous." Alors nous avons commencé à travailler, à planifier, et notre futur était entre nos mains. Et nous avons plutôt bien réussi. Tous les survivants ont été interviewés par des experts en survie, les meilleurs au monde, et ils ont dit : "Vous n'auriez pas pu survivre plus de 36 heures."»

«Nous avons simplement survécu grâce à notre confiance et à notre amour»

Il y a aussi cette avalanche, au bout de deux semaines, qui recouvre le fuselage de l’avion où se trouvaient 27 des passagers. Là encore, seulement huit meurent. Nando Parrado revient sur ce moment: «Combien de temps pouvez-vous retenir votre souffle? Deux minutes trois minutes? Mais nous avons travaillé tellement dur là-bas... Je ne sais pas. Les experts en survie ne comprennent pas.»

Puis, vient le moment de s’évader de cette prison à ciel ouvert. Le rugbyman a perdu 45 kilos. Alors, avec Roberto Canessa, ils se lancent à travers la chaîne des Andes. Sans matériel, évidemment. «Nous sommes tombés, nous avons sauté par-dessus des crevasses, des rivières glacées. Au bout du 10e jour, alors que nous n'avions plus de force, nous étions en train de mourir, nous avons vu un homme de l'autre côté d'une rivière sur un cheval, et cela m’a redonné une la force de vivre, je pouvais vivre peut-être encore 2, 3, 4 heures de plus. Et nous avons discuté avec cet homme, ce paysan formidable, plein de bon sens. (…) C’était le début de notre nouvelle vie.»

16 passagers seront sauvés. Nando Parrado a perdu sa mère et sa sœur. Il retrouve son père, qui le force à avancer et à ne pas vivre dans le passé. L’ancien rugbyman dit, 52 ans après le crash, ne faire aucun cauchemar de ce tragique événement. Tous les 22 décembre, il se réunit avec notamment son ami Roberto Canessa pour «célébrer la vie et la mémoire de (ses) amis.»

Nando Parrado refuse d’être qualifié de héros, alors qu’on lui demande souvent de trouver des solutions aux problèmes des gens: «Nous avons simplement survécu grâce à notre confiance et à notre amour. Mais si les jeunes, en particulier, voient que des jeunes à cette époque, grâce à leurs forces, ont pu accomplir quelque chose (…), ils pourront se dire : ces gars ont fait ça, alors peut-être que je peux provoquer mon propre miracle et avancer.»