Pas de justice pour la famille de Mahsa Amini (enquêteurs onusiens)
Les trois membres de la Mission internationale indépendante d'établissement des faits sur l'Iran déplorent la lenteur des investigations après le décès de la jeune Mahsa Amini dans ce pays.
Photo: KEYSTONE/MARTIAL TREZZINILe droit des proches de la jeune Iranienne Mahsa Amini à la justice n'est toujours pas honoré, dix mois après son décès, selon les enquêtrices onusiennes. Mercredi à Genève, elles ont aussi ciblé la détention des deux journalistes qui avaient révélé l'affaire.
De nombreuses manifestations avaient suivi le décès de Mahsa Amini qui était décédée après avoir été interpellée l'année dernière par la police pour avoir mal porté le voile islamique. Même si elles ont diminué, 'des accusations de violations des droits humains continuent d'être entendues et reçues', a dit la présidente de la Mission internationale indépendante de l'ONU d'établissement des faits sur l'Iran, Sara Hossain.
L'ONU avait dénoncé des 'meurtres d'Etat' après la répression des manifestations. Selon les autorités, des centaines de personnes, dont des membres des forces de sécurité, avaient été tuées. Des milliers de manifestants avaient été arrêtés.
Dans son premier discours devant le Conseil des droits de l'homme de l'ONU, Mme Hossain a dénoncé le manque de données sur les personnes qui restent détenues après la répression des manifestants. Des indications sur des arrestations et des détentions continuent d'arriver, notamment de femmes qui refusent de porter le voile, affirment les trois membres de la mission mandatée en novembre dernier par l'instance onusienne et qui ne s'expriment pas au nom de l'ONU.
Elles se disent inquiètes des conditions de plus de 20'000 amnisties lancées par les autorités. Les personnes relâchées auraient dû faire part de remords et d'admettre leur culpabilité.
Tensions avec les Occidentaux
Autre préoccupation, de nombreux défenseurs des droits humains et activistes restent parmi les détenus. La Mission est également inquiète du harcèlement des familles de victimes qui demandent justice.
Depuis novembre, 26 personnes ont été condamnées à la peine capitale. Ces sentences avaient été largement condamnées, notamment par la Suisse. Dans une déclaration avec plus de 50 pays, Berne a répété son opposition aux nombreux recours aux exécutions en Iran, qu'elle a ensuite condamnés à titre personnel. Téhéran avait de son côté convoqué deux groupes d'alliés pour dénoncer une 'politisation' et une approche 'discriminatoire' du Conseil des droits de l'homme.
Le chef du Haut conseil iranien aux droits de l'homme Kazem Gharib Abadi a affirmé que son gouvernement avait 'utilisé au minimum les pouvoirs qui lui sont conférés' face aux violences, selon lui, des protestataires. Et a demandé à plusieurs reprises aux Occidentaux de régler déjà la situation chez eux, souhaitant notamment une session spéciale du Conseil sur la situation en France. Il a ensuite interrompu systématiquement les travaux dès qu'une délégation utilisait le terme 'régime' à l'encontre des autorités iraniennes.
En Iran, plusieurs manifestants ont déjà été exécutés après des procès qui semblent inéquitables, insistent les membres de la mission. Elles appellent les autorités à arrêter d'appliquer ces peines et à libérer tous les détenus politiques en lien avec ces protestations.
Rencontre avec le comité iranien
Elles mènent également des investigations sur les empoisonnements dans des dizaines d'écoles de filles deux mois après le décès de Mahsa Amini. Certaines personnes ont accusé le régime de vouloir dissuader celles-ci de manifester.
De même, la mission est préoccupée par le recours à la reconnaissance faciale pour identifier les femmes qui ne portent pas le voile de manière adaptée. Des jeunes femmes seraient interdites d'accès à l'éducation et des entreprises seraient fermées par les autorités pour punir les protestataires.
Les trois expertes indépendantes redoutent aussi des 'revers' supplémentaires en cas d'approbation de deux projets de loi actuellement discutés au Parlement iranien, notamment davantage de détentions arbitraires et restrictions aux libertés fondamentales. Comme le Haut commissaire de l'ONU aux droits de l'homme Volker Türk, elles ont demandé à plusieurs reprises de pouvoir se rendre en Iran.
Mardi, elles ont pu dialoguer en ligne pour la première fois avec le nouveau comité nommé par le président iranien Ebrahim Raïssi pour mener des investigations. Elles surveilleront la conformité de leurs efforts avec les standards internationaux de rapidité et d'indépendance, ont-elles ajouté.
De même, Mme Hossain a appelé devant la presse les autres pays à protéger les Iraniens qui pourraient faire l'objet d'intimidations de Téhéran. Les trois enquêtrices redoutent aussi des représailles contre ceux qui collaborent avec elles.
Elles devront rendre un rapport au Conseil en mars prochain. Alors que le rapporteur spécial de l'ONU Javaid Rehman avait parlé de possibles 'crimes contre l'humanité', Mme Hossain dit que leur investigation est elle 'encore à une étape très prématurée' et qu'elles ne révèleront pas leurs conclusions avant leur rapport.
/ATS