International

Plusieurs pays évacuent leurs ressortissants en plein chaos

23.04.2023 07h55

Plusieurs pays évacuent leurs ressortissants en plein chaos

Cette semaine, l'Aïd el-Fitr, qui marque la fin du ramadan, a eu un goût amer pour les habitants de Khartoum.

Photo: KEYSTONE/AP

La France, l'Allemagne, les Etats-Unis ou le Royaume-Uni ont commencé dimanche à évacuer leurs ressortissants ou personnel diplomatique. Des Suisses doivent aussi quitter le Soudan, où les combats entre armée et paramilitaires font rage depuis plus d'une semaine.

Selon des images vidéo recueillies par l'AFP, des convois de dizaines de véhicules blancs de l'ONU sortaient dimanche de Khartoum, tout comme de nombreux cars, et se dirigeaient vers Port-Soudan, dans l'est du pays avec à son bord des ressortissants 'du monde entier: européens, asiatiques et africains', selon un des membres du convoi.

Des tirs et des explosions ont encore secoué dimanche la capitale et ses banlieues, survolées par des avions de combat, selon des témoins. Le pape François a appelé au 'dialogue' face à la 'grave' situation dans le pays, où, depuis le 15 avril, les deux généraux au pouvoir depuis leur putsch de 2021 se sont lancés dans une guerre sans merci.

Les violences, principalement à Khartoum et au Darfour, dans l'ouest, ont fait selon l'Organisation mondiale de la Santé (OMS) plus de 420 morts et 3700 blessés. Elles ont déplacé des dizaines de milliers de personnes vers d'autres Etats du Soudan, ou vers le Tchad et l'Egypte, tandis que plusieurs pays se mobilisent pour évacuer leurs ressortissants.

Opérations internationales

L'Allemagne et la France ont annoncé avoir commencé à évacuer leurs ressortissants et ceux d'autres pays. Un avion militaire français, transportant 100 personnes, 'vient d'atterir à Djibouti', a affirmé le président français Emmanuel Macron sur Twitter.

Le président américain Joe Biden avait annoncé plus tôt que l'armée avait 'mené une opération pour extraire le personnel du gouvernement américain de Khartoum'. Un 'peu moins d'une centaine' de personnes ont été évacuées lors d'une opération héliportée, selon un haut responsable américain, mais pas les autres ressortissants américains, qui seraient plusieurs centaines au Soudan, dont l'évacuation n'est pas prévue 'pour le moment'.

Le Premier ministre britannique Rishi Sunak a lui aussi annoncé l'évacuation du personnel diplomatique du Royaume-Uni et de leurs familles. La Suède a envoyé pour sa part environ 150 soldats pour évacuer ses diplomates et ressortissants. La Turquie et d'autres pays tentent aussi des opérations similaires. Le Canada a de son côté annoncé dimanche qu'il suspendait temporairement ses opérations diplomatiques au Soudan, indiquant que son personnel travaillerait d'un 'endroit sécuritaire à l'extérieur du pays'.

Des Suisses aussi

L'armée italienne va elle faire sortir environ 200 civils du pays, dont 140 citoyens italiens, a déclaré le ministre italien des affaires étrangères Antonio Tajani. L'opération concerne également des citoyens helvétiques et des membres de la nonciature apostolique, l'ambassade du Saint-Siège au Soudan.

Selon le Département fédéral des affaires étrangères (DFAE), une centaine de Suisses se trouvent au Soudan. Les autorités helvétiques, contactées par Keystone-ATS, n'ont pour l'instant pas pris position sur l'évacuation de dimanche.

Pour le chercheur Hamid Khalafallah, 'réclamer des couloirs sécurisés pour évacuer les ressortissants étrangers sans réclamer en même temps la fin de la guerre serait terrible'. 'Les acteurs internationaux auront moins de poids quand ils auront quitté le pays: faites ce que vous pouvez pour partir en toute sécurité mais ne laissez pas les Soudanais derrière sans protection', plaide ce spécialiste du Soudan.

Crainte de regain de violence

A Khartoum, les cinq millions d'habitants craignent un regain de violence après le départ des étrangers, dans leur ville privée d'eau courante et d'électricité, avec des réseaux téléphonique et internet souvent défaillants. Les raids aériens de l'armée et les tirs de canon des paramilitaires ont déjà détruit ou obligé à fermer '72% des hôpitaux' dans les zones de combat, selon le syndicat des médecins.

Dans les rues, des lampadaires gisent au sol, des magasins incendiés fument encore. Ici, une banque a été éventrée. Là, malgré tout, un mécanicien tente de garder son échoppe ouverte au cas où un des très rares passants aurait besoin de ses services.

Le conflit a éclaté le 15 avril entre l'armée du général Abdel Fattah al-Burhane, dirigeant de facto du Soudan, et son adjoint devenu rival, le général Mohamed Hamdane Daglo, qui commande les très redoutés paramilitaires des Forces de soutien rapide (FSR).

Les deux généraux avaient pris le pouvoir lors du coup d'Etat de 2021, mettant un coup d'arrêt au processus vers une transition démocratique qui a suivi la chute du dictateur Omar el-Béchir, en 2019. Mais ils ont été incapables de s'accorder sur l'intégration des FSR aux troupes régulières, après des mois de négociations politiques sous égide internationale.

Guerre de l'information

Alors que les deux camps se livrent aussi à une guerre de l'information, il est impossible de savoir qui contrôle les aéroports du pays et dans quel état ils se trouvent après avoir été le théâtre de violents combats.

Des prisonniers ont été libérés d'au moins une prison, ont indiqué des avocats alors que d'autres sources rapportent, sans que personne n'ait pu le vérifier, des attaques contre deux autres prisons, notamment celle de Kober qui accueille l'ensemble des détenus politique dont le dictateur déchu Omar el-Béchir.

Cette semaine, l'Aïd el-Fitr, qui marque la fin du ramadan, a eu un goût amer pour les habitants de Khartoum. Les conditions de vie sont probablement pires au Darfour, théâtre déjà d'un terrible conflit dans les années 2000, où personne ne peut se rendre dans l'immédiat. Sur place, un docteur de Médecins sans frontières (MSF) évoque une 'situation catastrophique'.

Au Soudan, troisième producteur d'or d'Afrique et pourtant l'un des pays les plus pauvres au monde, les services de santé sont à genoux depuis des décennies et un tiers des 45 millions d'habitants souffre de la faim.

L'arrêt des opérations de la plupart des organisations humanitaires va aggraver la situation. Et le conflit menace désormais de gagner du terrain au-delà des frontières du Soudan, selon des experts.

/ATS