International

Possible relance massive du conflit syrien selon les enquêteurs

14.09.2022 12h00

Les enquêteurs onusiens redoutent une relance massive du conflit

La Commission d'enquête internationale indépendante sur la Syrie redoute de nouveaux affrontements dans le nord du pays (archives).

Photo: KEYSTONE/EPA/AHMED MARDNLI

Le conflit syrien se dirige vers une possible relance massive, selon la Commission d'enquête internationale indépendante de l'ONU. Elle a dénoncé mercredi à Genève de nouveaux crimes contre l'humanité ces derniers mois et des crimes de guerre.

'La Syrie ne peut se permettre un retour à des affrontements de grande dimension, mais il se peut que ce soit là où elle se dirige', déplore le président de la Commission, Paulo Sergio Pinheiro. Les trois enquêteurs redoutent une nouvelle offensive terrestre turque dans le nord-ouest du pays et une détérioration supplémentaire dans le nord-est.

Des bombardements ont eu lieu récemment et des drones sont utilisés pour des exécutions ciblées, a dit à la presse un autre membre de l'instance, Hanny Megally. Plusieurs pays continuent de soutenir les différentes parties au conflit, a ajouté sa collègue Lynn Welchman. Et la Russie bombarde toujours certains territoires.

Dans son nouveau rapport, la Commission, qui ne s'exprime pas au nom de l'ONU, dit que les vagues de crimes contre l'humanité observées depuis plus de dix ans ont à nouveau eu lieu entre janvier et juin. Torture, mauvaises attitudes contre des prisonniers aboutissant à leur décès, détentions arbitraires et disparitions forcées, la liste est à nouveau longue.

L'armée syrienne est notamment en cause pour avoir mené des raids contre plusieurs individus, battus pendant des heures et retenus sans contact avec leurs proches pendant des mois. Ces prisonniers ont été privés de nourriture, d'hygiène et de soins. Leur libération n'a été obtenue qu'après paiement de pots-de-vin.

Groupes armés également

Neuf personnes ont également été torturées pour avoir déserté ou fait défection. Des crimes de guerre liés aux détentions ont aussi été identifiés dans des prisons de groupes armés.

Autre indication, certains ont appris ces derniers mois le décès d'un proche en détention depuis plusieurs années. Des dizaines de personnes qui étaient portées disparues depuis 2018, depuis qu'elles avaient fui la Ghouta orientale grâce à des couloirs humanitaires pilotés par la Russie, sont désormais déclarées décédées. Probablement exécutées, selon la Commission.

'L'Etat commence à relayer' ces décès, ajoute M. Megally. Des dizaines de milliers de personnes restent portées disparues, en plus des centaines de milliers de victimes en plus de dix ans de conflit. La Commission salue l'appel du secrétaire général de l'ONU Antonio Guterres à un mécanisme international sur cette question, une revendication qu'elle relaie depuis plusieurs années.

Plusieurs crimes de guerre ont également été perpétrés, notamment en janvier et février. Près d'une centaine de civils ont été tués ou blessés dans des bombardements ou dans l'utilisation d'engins explosifs improvisés sur des territoires largement peuplés dans le nord d'Alep.

Dans un incident début février, la Commission ne peut attribuer la responsabilité de tirs qui ont fait huit victimes. Ceux-ci ont été menés soit par le gouvernement, soit par les forces kurdes.

Inquiétude sur al-Hol

De même, la Commission a 'de bonnes raisons de penser' que l'Armée nationale syrienne (ANS), proche de la Turquie, a perpétré des actes qui peuvent équivaloir à des crimes de guerre ces derniers mois. Parmi ceux-ci figurent de la torture ou des violences sexuelles.

L'Etat islamique (EI) a lui mené sa plus large offensive en trois ans en janvier autour d'une prison d'Hassaké. La situation montre le problème de 'plus de 10'000 anciens combattants présumés' du groupe djihadiste ou de ses soutiens, détenus sans recours légal, insiste M. Megally.

Autre problème, les trois enquêteurs, après d'autres acteurs avant eux, s'inquiètent de dizaines de meurtres et des tensions armées dans les camps où sont retenus des proches de djihadistes, comme celui d'al-Hol. Des dizaines de milliers d'enfants se trouvent toujours sur ce site dans des conditions qui se détériorent. La Commission demande aux Etats qui soutiennent les parties au conflit suspectées de crimes internationaux d'arrêter de leur livrer des armes ou leur garantir un financement.

/ATS