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Retraites: après le 49.3, dépôt de deux motions de censure

17.03.2023 16h19

Retraites: colère après le 49.3, dépôt de deux motions de censure

Les opposants au recul de l'âge de départ à la retraite de 62 à 64 ans ont repris le combat de manière sporadique vendredi.

Photo: KEYSTONE/EPA/TERESA SUAREZ

Deux motions de censure ont été déposées vendredi pour tenter de renverser le gouvernement français. Elles ont été déposées au lendemain de la décision de l'exécutif d'utiliser le 49.3 pour faire passer la très contestée réforme des retraites.

Plusieurs milliers de personnes se sont rassemblées en soirée place de la Concorde, à quelques centaines de mètres de l'Assemblée. Un brasier flambait, allumé par des manifestants, et l'ambiance s'est tendue à la tombée de la nuit, selon des journalistes de l'AFP.

Plusieurs centaines de personnes ont affronté la police par petits groupes, avec jets de bouteille et feux d'artifice, tandis que les forces de l'ordre répliquaient à coup de gaz lacrymogène, en tentant d'évacuer la place, sous la pluie. On comptait 12 interpellations vers 21h00, selon la préfecture de police.

A Strasbourg, c'est sur la place Kléber que se sont retrouvés 1.600 protestataires. 'Nous aussi, on va passer en force', ont scandé les manifestants. Un millier de personnes ont défilé dans le centre de Lille, et un cortège de quelques centaines s'est dispersé sans heurt à Bordeaux.

Les motions de censure devraient être examinées à l'Assemblée nationale lundi à partir de 16h00, ont indiqué des sources parlementaires à l'AFP, sous réserve d'une validation juste avant la séance.

Motion de censure 'transpartisane'

Dans ce climat de crise, le groupe Liot a déposé une motion de censure 'transpartisane' co-signée par des élus de la Nupes. Cette dernière a davantage de chances d'être votée par des députés de droite défavorables à la réforme des retraites. Mais la barre de la majorité absolue pour faire chuter le gouvernement paraît difficile à atteindre.

Le petit groupe Libertés, Indépendants Outre-mer et Territoires (Liot), qui compte 20 députés de diverses tendances politiques, se retrouve ainsi en position de pivot.

'C'est le retour à la IVe République, c'est le plus petit groupe qui se met à avoir le plus d'influence dans un Parlement morcelé', a déploré le député macroniste Jean-René Cazeneuve.

'Le vote de cette motion permettra de sortir par le haut d'une crise politique profonde', a déclaré devant la presse le chef de file du groupe, Bertrand Pancher, regrettant que 'les collègues de LR ne soient pas signataires'.

Le Rassemblement national a déposé sa propre motion de censure. 'Et nous voterons toutes les motions de censure présentées', a précisé la députée RN Laure Lavalette.

'La colère monte'

Blocage du périphérique parisien, des gares de Toulon ou de Bordeaux, grève à l'Opéra de Lyon, manifestations... les opposants au recul de l'âge de départ à la retraite de 62 à 64 ans ont repris le combat de manière sporadique vendredi, le plus souvent à l'initiative de la CGT.

L'activation jeudi de l'article 49.3 de la Constitution, qui permet l'adoption d'un texte sans vote, sauf motion de censure, a été ressenti 'comme une insulte. On n'a pas été écoutés depuis des semaines, ça a généré pas mal de colère', a déclaré à l'AFP Philippe Melaine, professeur de SVT dans un lycée public à Rennes, où plus de 2.000 personnes ont défilé vendredi, dont plusieurs centaines de lycéens.

A Bordeaux, sur les rails ou sur les quais de la gare, agitant leurs drapeaux aux couleurs des principaux syndicats, 200 personnes ont crié: 'La colère monte'.

'Le 49.3 a crispé tout le monde', a déclaré à l'AFP Rémi Vinet, secrétaire général de la CGT Cheminots à Bordeaux, prédisant que la grève allait 's'étendre à d'autres secteurs'. La CGT a également annoncé la mise en arrêt de la raffinerie TotalEnergie de Normandie dès ce week-end.

Le gouvernement veut éteindre l'incendie

Dépêchés dans les matinales télés et radios vendredi, les poids lourds du gouvernement ont tenté d'éteindre l'incendie. 'Nous avons vocation à continuer de gouverner', a affirmé le porte-parole Olivier Véran. Le ministre du Travail Olivier Dussopt a refusé de présenter le recours au 49.3 comme 'un échec'. 'Il y a un texte et ce texte sera, si la motion de censure est rejetée, mis en oeuvre', a-t-il affirmé.

Mais pour le secrétaire général de la CFDT Laurent Berger, si le président Emmanuel Macron veut 'éteindre le feu' de la colère sociale, il faut qu'il 'retire la réforme' ou 'ne la promulgue pas.

Jeudi, des milliers de personnes s'étaient rassemblées place de la Concorde quand Elisabeth Borne a engagé la responsabilité de son gouvernement.

Annonçant 310 arrestations en France, dont 258 à Paris, Gérald Darmanin a dénoncé notamment 'des effigies brûlées' à Dijon et des 'préfectures prises pour cible'.

Dans le même temps, l'intersyndicale a appelé à 'des rassemblements locaux de proximité' ce week-end, ainsi qu'à une 9e journée de grèves et manifestations le jeudi 23 mars.

Les syndicats de la SNCF ont appelé à 'maintenir la grève' reconductible démarrée le 7 mars et 'à agir massivement' jeudi prochain. FO-RATP, premier syndicat chez les conducteurs de métro parisien, a appelé à 'une journée noire dans les transports'.

Plusieurs responsables syndicaux, dans les secteurs du transport et de l'énergie, ont mis en garde contre de possibles 'débordements' ou 'actions individuelles' de salariés de la base.

A l'Assemblée, l'heure est aux règlements de comptes, au sein de LR comme dans la majorité, où l'amertume était palpable. 'Il fallait aller au vote vu la teneur de ce texte, vu l'émoi dans le pays', a estimé le député Modem Erwann Balanant.

/ATS