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Rwanda: le Royaume-Uni s'en prend à la CEDH

18.06.2022 17h06

Rwanda: le Royaume-Uni s'en prend à la CEDH

La ministre britannique de l'Intérieur Priti Patel estime que la décision de la CEDH était politiquement motivée (archives).

Photo: KEYSTONE/EPA/NEIL HALL

La ministre britannique de l'Intérieur a dénoncé samedi la décision de la Cour européenne des droits de l'Homme (CEDH) de bloquer l'expulsion vers le Rwanda de demandeurs d'asile. Le gouvernement veut toutefois mener à bien sa politique migratoire.

Mardi soir, un avion spécialement affrété pour des centaines de milliers d'euros était prêt à décoller d'une base militaire anglaise, quand la CEDH, juridiction du Conseil de l'Europe veillant au respect de la Convention européenne des droits de l'Homme, a exprimé son opposition, infligeant un revers au gouvernement.

'Il faut regarder les motifs' de cette décision, a affirmé la ministre britannique de l'Intérieur Priti Patel au journal The Telegraph samedi. 'Comment et pourquoi ont-ils pris cette décision? Est-ce que c'était politiquement motivé? Je pense que oui, absolument.'

'La façon opaque dont ce tribunal a opéré est absolument scandaleuse', a-t-elle affirmé. 'Nous ne savons pas qui sont les juges, nous ne connaissons pas le panel (de juges), nous n'avons pas reçu de jugement', a-t-elle ajouté.

La CEDH a estimé que la justice britannique devait examiner dans le détail la légalité du dispositif, ce qui est prévu en juillet, avant d'expulser des migrants.

Multiples recours

Le blocage de l'avion qui devait transporter des demandeurs d'asile vers le Rwanda, au coeur du continent africain, dans le cadre d'une politique controversée et critiquée par les associations de défense des droits humains, est intervenu après de multiples recours individuels en justice qui ont donné raison aux migrants.

'Chaque tribunal de ce pays a affirmé qu'il n'y voyait pas d'obstacle. Aucun tribunal dans ce pays n'a dit que le dispositif était illégal' a affirmé Boris Johnson samedi à des journalistes.

'il y a eu cet étrange contretemps de dernière minute à Strasbourg (où est basée la CEDH). Nous verrons où ça mène', a-t-il ajouté. 'Mais nous sommes sereins concernant la légalité de ce que nous faisons et nous allons poursuivre cette politique.'

En voulant se décharger de sa responsabilité d'accueil des demandeurs d'asile et en les envoyant à plus de 6000 kilomètres de Londres, le gouvernement britannique prétend freiner les traversées illégales de la Manche, qui ne cessent d'augmenter malgré les promesses répétées de contrôler l'immigration depuis le Brexit.

Plus de 11'000 personnes ont effectué la périlleuse traversée depuis le début de l'année.

Le gouvernement déterminé

Malgré la décision de la CEDH, le gouvernement s'est dit déterminé à poursuivre la stratégie.

Jeudi, le ministre britannique de la Justice Dominic Raab a estimé que la récente décision de la CEDH renforçait selon lui le besoin pour le Royaume-Uni de réformer la législation sur les droits de l'Homme, avec une nouvelle 'Bill of Rights' (déclaration des droits) qui ferait en sorte que le gouvernement puisse ignorer ce type de décisions de la CEDH.

Le Home Office a par ailleurs lancé mercredi un projet pilote, sur 12 mois, de surveillance électronique de migrants arrivés au Royaume-Uni par des voies 'non nécessaires et dangereuses'. Les migrants avec un bracelet électronique devront se présenter régulièrement devant les autorités, pourraient être soumis à un couvre-feu et détenus ou poursuivis s'ils manquent à ces obligations.

Selon la BBC samedi, les premiers migrants à être surveillés de cette façon pourraient être des demandeurs d'asile qui auraient dû être à bord du vol avorté vers le Rwanda.

Il s'agit d'un projet 'cruel, détestable et effrayant du gouvernement', a réagi sur Twitter le directeur général de l'association Refugee Council, Enver Solomon. 'Un pays qui cherche à abandonner la compassion de cette manière se trouve en eaux troubles.'

'Ca ne me parait pas être une bonne chose de mettre un bracelet électronique sur quelqu'un qui fuit la guerre, la violence, la persécution (et) qui a vécu une expérience traumatisante', a abondé auprès de Times Radio le député travailliste Stephen Kinnock.

Ce type de surveillance 'sera toujours associée aux criminels et aux comportements criminels, et je trouve que ça diaboliserait' les migrants, a-t-il souligné.

/ATS