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Une nouvelle trêve vole en éclats

04.05.2023 10h15

Une nouvelle trêve vole en éclats

Les combats de poursuive au Soudan, notamment dans la capitale Khartoum.

Photo: KEYSTONE/AP/Marwan Ali

Explosions et tirs résonnent jeudi à Khartoum, au vingtième jour de combats acharnés entre l'armée et les paramilitaires qui se disputent le pouvoir au Soudan, risquant d'entraîner toute la région dans une crise.

Malgré l'annonce d'un 'accord de principe' pour prolonger jusqu'au 11 mai une trêve jamais respectée, 'des affrontements et des explosions' secouent la banlieue nord de Khartoum, rapportent à l'aube, ce jeudi, des habitants à l'AFP.

'La tragédie (...) doit cesser', a plaidé le président américain Joe Biden, agitant la menace des sanctions contre 'les individus qui menacent la paix', sans toutefois donner de nom alors que le pays de 45 millions d'habitants est la proie d'une lutte de pouvoir entre deux généraux: le chef de l'armée Abdel Fattah al-Burhane et le patron des Forces de soutien rapide (FSR) Mohamed Hamdane Daglo.

Les cinq millions d'habitants de la capitale ne vivent plus qu'au rythme des bombardements, terrés pour éviter les balles perdues dans des maisons sans eau ni électricité, avec de moins en moins d'argent et de nourriture. Le tout sous une chaleur écrasante.

L'ONU surprise

Depuis le 15 avril, la guerre a fait environ 700 morts, selon l'ONG ACLED qui recense les victimes de conflits. Les combats ont en outre fait plus de 5000 blessés. Au moins 335'000 personnes ont été déplacées et 115'000 poussées à l'exil, selon l'ONU qui réclame 402 millions d'euros pour les aider.

Le jour où la guerre a éclaté, les deux généraux, alliés pour le putsch de 2021, devaient discuter avec l'ONU et les médiateurs internationaux de l'intégration des FSR à l'armée, condition sine qua non à un retour à la transition vers un gouvernement civil et donc à la reprise de l'aide internationale, suspendue en réaction au coup d'Etat.

'Nous pouvons dire que nous n'avons pas réussi à empêcher' la guerre qui a pris l'ONU 'par surprise', a reconnu, mercredi, son secrétaire général Antonio Guterres.

'A chaque minute de guerre supplémentaire, des gens meurent ou sont jetés dans les rues, la société se désagrège et l'Etat s'affaiblit et se décompose un peu plus', a déploré Khalid Omar Youssef, un ancien ministre civil, limogé lors du putsch.

On s'organise à Port-Soudan

Dans la ville côtière de Port-Soudan, épargnée par la violence, le coordonnateur des secours d'urgence de l'ONU, Martin Griffiths, tente d'organiser les réapprovisionnements des stocks après des pillages de masse dans un pays où un habitant sur trois dépendait déjà de l'aide humanitaire avant la guerre.

Le Haut-Commissaire de l'ONU aux droits de l'homme, Volker Türk, décrit le chaos à Khartoum: 'un raid de l'armée de l'air sur un hôpital', les FSR qui 'lancent des attaques dans des zones urbaines densément peuplées'...

Au Darfour, où des civils ont été armés pour participer aux affrontements, l'ONG Norwegian Refugee Council (NRC) raconte la désolation: 'il y a eu au moins 191 morts, des dizaines d'habitations incendiées, des milliers de déplacés et les bureaux de NRC ont été pillés'.

Le ministère soudanais des Affaires étrangères a également accusé les FSR d'avoir attaqué des chancelleries évacuées: 'les ambassades d'Inde et de Corée, le bureau culturel saoudien, la résidence des diplomates suisses et une section consulaire turque'. A El-Obeid, à 300 km au sud de la capitale, des témoins ont rapporté avoir assisté à des combats.

Solutions africaines

Le Soudan du Sud, médiateur historique, a annoncé 'un accord de principe' sur une trêve 'du 4 au 11 mai'. A son entrée en vigueur, ce jeudi, l'armée régulière a confirmé l'avoir 'acceptée', à condition que les FSR s'y tiennent également. Les paramilitaires n'ont pas réagi.

Alors que les canaux diplomatiques se multiplient en Afrique et au Moyen-Orient, l'armée a dit choisir cette proposition de l'organisation régionale de l'Afrique de l'Est (Igad), car il faut 'des solutions africaines aux problèmes du continent'.

L'émissaire du général Burhane était ainsi jeudi à Addis Abeba, en Ethiopie. Le chef de la diplomatie égyptienne, Sameh Choukri, a annoncé quant à lui avoir eu au téléphone les deux généraux rivaux.

Dimanche, les ministres arabes des Affaires étrangères se réuniront autour du 'dossier soudanais', dans lequel ils soutiennent des camps différents, a indiqué un haut diplomate à l'AFP.

Eviter une escalade

Le camp du général Burhane s'est engagé à 'nommer un émissaire pour négocier une trêve' avec le camp rival, sous l'égide 'des présidents sud-soudanais, kényan et djiboutien', dans un pays qui doit encore être déterminé.

Au Soudan, l'exode des habitants se poursuit et des étrangers continuent d'être évacués par centaines, principalement via Port-Soudan, sur la mer Rouge. 'Plus de 50'000 personnes avaient traversé le 3 mai' vers l'Egypte, selon l'ONU, 'plus de 11'000' vers l'Ethiopie et '30'000 vers le Tchad'.

Le Royaume-Uni a annoncé jeudi avoir évacué plus de 2450 personnes, dont une majorité de Britanniques et leurs proches, à l'issue d'une mission d'évacuation qui s'est achevée mercredi. Le dernier des 30 vols militaires affrétés depuis le 25 avril pour faire sortir des citoyens britanniques du pays a décollé de Port Soudan mercredi soir, a indiqué le ministère des Affaires étrangères dans un communiqué.

M. Guterres a jugé 'absolument essentiel' que la crise ne s'étende pas au-delà des frontières.

/ATS