«Coach un jour, coach toujours»: notre série sur les entraîneurs genevois
Il endosse la casquette de coach, de psychologue, de gestionnaire…et parfois de véritable père. Entre passion et pression, l’entraîneur joue un rôle crucial dans la réussite individuelle et collective d’un athlète. Depuis un quart de siècle, au moins, Jean-Marc Cagnet, Jean-Michel Aeby et Jessica Barbey transmettent leur amour du sport. Nous sommes partis à leur rencontre dans cette série de portraits.
Jean-Marc Cagnet - «De main de maître»
En 30 ans, Jean-Marc Cagnet aura tout gagné…pas lui directement. Ses jeunes escrimeurs. champion suisse, champion d’Europe et champion du monde…Un succès qu’il ne souhaite pas s’approprier mais qu’il expose avec fierté. Sa seconde maison, il le dit. C’est ici. Au rez supérieur du centre sportif du Bout du monde.
Jean-Marc Cagnet a dédié sa vie à l’escrime. Il se réfugie dans le sport quand il perd ses parents étant petit. «Un écorché vif» comme il se présente. Aujourd’hui, la société d’escrime de Genève et ses 250 membres résonne comme une deuxième famille. «Le sourire, la passion fait que ça fonctionne, livre-t-il. On vibre pour la même chose, c'est du réeel, du concret, pas du faux-semblant».
Formateur de talents
Originaire de Mont-de-Marsan dans les Landes, Jean-Marc transmet cette passion de l’épée depuis 1995 à Genève. Il y crée la cellule performance avec laquelle il hisse ses jeunes pousses au plus haut niveau international. «Ce n'est pas une coïncidence qu'il y ait autant de talents dans ce club, explique Alban Aebersold, tout récent champion du monde juniors. Il a beaucoup fait pour nous. Il a son style et il nous convient».
Entier, passionné et humble…Jean-Marc Cagnet cultive sa propre méthode d’apprentissage. Entre patience et confiance, il a bâti ce succès non sans peine. «Je me suis cassé le pied parce que Sven (Vineis) et Ian (Hauri) ont perdu d'une touche pour entrer en finale et c'était de leur faute, raconte l'entraîneur. Pour ne pas passer mes nerfs sur eux, je l'ai fait sur une poubelle dehors et je me suis fracturé un orteil. J'avais extrêmement mal mais je savais qu'ils avaient les choses en main, eux ne le savaient pas. C'est dans ces moments-là que tu mûris, tu es garant du fait que ça ne se reproduise plus».
Un groupe soudé
Une réussite qui s’est également construite autour d’un projet commun. Dans un sport individuel, c’est avant tout le collectif qui est mis en avant. «Plus que des partenaires d'entrainement, nous sommes un groupe de potes. Et Jean-Marc fait partie entièrement de ce groupe et nous avons donc une relation qui n'est pas horizontale», développe Gabriel Bonferroni, autre escrimeur de haut niveau au sein du club.
Formule gagnante. Il reste encore toutefois un palier à atteindre : les Jeux olympiques. Dans quatre ans à Los Angeles ?
Jean-Michel Aeby - «Monsieur Promotion»
En pratiquement un quart de siècle sur les bancs, Jean-Michel Aeby aura marqué l’ensemble des 13 clubs différents dans lesquels il est passé. Souvent, avec des résultats très probants. Meyrin, Servette, Carouge, Yverdon, Grand-Saconnex : il les a tous fait prendre l’ascenseur. Un tableau de chasse qui lui vaut un surnom dans le football genevois et romand : Monsieur Promotion.
Centre sportif du Blanché, Grand-Saconnex. C’est ici, depuis un an, que Jean-Michel Aeby s’est établi comme coach. Il a permis au club d’obtenir une promotion historique en troisième division l’été passé. Dans cet environnement, l’entraineur s’est vite remis en selle après son limogeage du FC Bienne en mars 2023. Au club, ceux qui le côtoient au quotidien décrivent un personnage singulier. Très exigeant mais aussi très humain.
«C'est quelqu'un de très atypique, il n'existe pas deux Jean-Michel Aeby, lâche d'entrée de jeu Valentin Toffoletto, directeur sportif du FC Grand-Saconnex. Il ne jure que par le foot, il ne possède pas d'autres sujets de conversation. Certains le voient comme un défaut. Je le vois comme une qualité car il pousse toujours tout le monde à être au meilleur niveau possible». Le capitaine de l'équipe Matteo Rezzonico connait bien le coach même s'il n'a disputé qu'une saison sous ses ordres. «Il ne fait rien de révolutionnaire à l'entraînement, il ne réinvente pas le football, explique-t-il. Mais il possède ses principes, il sait ce qu'il veut et il donne une confiance totale aux joueurs sur lesquels il compte».
Un entraîneur «à l'ancienne»
Le football d’aujourd’hui, basé sur l’analyse vidéo et les datas, très peu pour Jean-Michel Aeby. Il ne jure que par le terrain, le contact direct avec ses joueurs et sa méthode de travail basée sur la discipline. «Je suis exigeant parce que j'aime gagner, explique-t-il. J'ai commencé ma carrière de coach en dirigeant des joueurs qui avaient été mes coéquipiers donc ça n'a pas toujours été facile. Mais cela fait partie de l'apprentissage. En 24 ans, j'ai dirigé des joueurs à caractère, difficilles à gérer mais dans l'ensemble je m'en suis bien sorti. Je peux croiser 98% des anciens joueurs que j'ai entraîné et nous avons toujours un très bon contact».
Un motivateur né
Patrick Girod et Matias Vietkiviez sont peut-être les joueurs qui ont disputé le plus de matchs sous les ordres de l’entraineur genevois. Les deux retiennent particulièrement de Jean-Michel Aeby ses causeries d’avant-match, toujours extrêmement motivantes. «Tu as envie de jouer pour lui. Avec certains coachs, je trouvais d'autres moyens de me motiver. Mais avec Jean-Michel, tu donnes tout pour qu'il soit content à la fin du match», raconte Matias Vitkieviez.
«Je n'ai jamais vu un tel feeling au niveau du football, développe Patrick Girod. Il a cette capacité à mettre les bons joueurs au bon endroit au bon moment. Il ne se trompe jamais de composition. Donc si en plus, il arrive à motiver ses équipes comme il faut, ce n'est pas étonnant qu'il ait un taux aussi élevé de promotions».
Un lion en cage quand vient le weekend
Le jour de match, c’est là qu’il faut être pour vraiment comprendre l’entraineur Jean-Michel Aeby. Durant 90 minutes, le coach tente de canaliser un volcan intérieur qui ne demande qu’à surgir. Cela fait 24 ans que ça dure, tous les weekends. Mais loin d’avoir atteint l’âge de la retraite, l’homme n’est pas encore prêt à ranger ses tablettes. Jean-Michel Aeby trouvera toujours un nouveau défi devant lui pour perpétuer son amour du ballon rond.
Jessica Barbey - «Une voix qui porte»
En plus de 40 ans, Jessica Barbey aura porté toutes les casquettes au Stade Genève. Athlète en parallèle de ses études puis entraîneur à 23 ans avant présider le club durant près d’une quinzaine d’années. Une femme entière, obstinée mais appréciée de tous. Sa seconde maison, c’est au Stade du bout du monde. Un havre de paix qu’elle retrouve au quotidien.
Jessica Barbey a dédié sa vie à l’athlétisme. Arrivée au Stade Genève à huit ans, aux côtés d’une vingtaine d’athlètes, elle devient rapidement le fer de lance du mouvement jeunesse. Spécialisée dans le 100 et le 200 mètres, détenant encore aujourd’hui certains records du club, elle se tourne définitivement vers le coaching, sa passion emmenant les meilleurs sprinters du pays au sommet.
Mais sa priorité ce n’est ni la gloire, ni la starification, mais le développement et l’épanouissement de la jeunesse. «À partir du moment où il y a du respect et l'envie de transmettre aux jeunes générations, je suis présente. J'inculque aux coachs de donner le meilleur d'eux-mêmes pour les autres, pas pour leur gloire personnelle», explique-t-elle.
Une histoire de transmission
Une transmission inusable et perpétuée par certains de ses anciens élèves, marqués par le personnage. «Elle nous a terrorisé, lâche Bertrand sur le ton de la rigolade. Mais elle prend soin des personnes autour d'elle et elle arrive facilement à transmettre sa passion». Matteo, qui entraine à ses côté lui doit beaucoup. «Je ne serai pas ici si je n'étais pas passé entre ses mains, avec son savoir-faire, sa motivation et son dévouement pour l'athlétisme et le sport en général. C'est quelqu'un de très important dans ma vie».
Fondé en 1916, le Stade Genève compte aujourd’hui près de 800 membres et figure parmi les plus grands clubs d’athlétisme de Suisse. Une histoire retracée dans cette brochure des 100 ans du club, dédiée en grande partie à Jessica Barbey. «Depuis mes dix ans, je pars à Pâques en camp d'athlétisme, explique-t-elle. J'ai commencé comme athlète puis j'ai poursuivi comme coach. Nous étions cinq à partir en Italie et aujourd'hui nous sommes une centaine à nous déplacer à Toulon».
Des parents comme exemple
Ses parents, originaires de Fribourg la suivent depuis toujours. Un père au passé de sportif encore actif à 81 ans et une maman bénévole au club. Sa trajectoire semblait inévitable. «C'est Madame Stade-Genève !, s'exclame son père. C'est l'esprit fribourgeois suisse-allemand, c'est du tip top. Je suis très fier d'elle».
Même si la retraite n’est pas encore d’actualité, la relève, elle semble déjà assurée. Son fils Sevann est déjà dans les starting-blocks pour lui succèder du haut de ses 17 ans. Une femme bienveillante qui vit les choses à 2’000 pourcents. Cette passionnée a encore de belles années devant elle, avec l’envie d’emmener ces jeunes au plus haut de leur potentiel.