Suisse

Auteurs présumés de la banderole anti-Erdogan devant la justice

18.01.2022 09h54

Auteurs présumés de la banderole anti-Erdogan devant la justice

Photo: KEYSTONE/PETER KLAUNZER

Le procès de quatre militants de la gauche alternative accusés d'avoir déployé une banderole avec l'inscription 'Kill Erdogan' lors d'une manifestation en 2017 à Berne s'est ouvert mardi. Les prévenus doivent répondre d'appel public au crime ou à la violence.

Mais le procès a été prématurément suspendu en début d'après-midi par le juge unique peu après l'administration des preuves. En cause, la controverse liée à la présence et au rôle d'un journaliste turc présent dans la salle d'audience.

L'un des quatre avocats des accusés a déposé une plainte pénale contre ce citoyen turc et demandé qu'il soit expulsé de la salle. Dans un tweet, supprimé entretemps, il aurait qualifié les quatre accusés de 'terroristes'. Cet homme travaillerait pour l'agence de presse étatique turque Anadolu, selon son profil sur twitter.

Le président du tribunal a annoncé en début d'après-midi que l'audience serait suspendue jusqu'à mercredi. Il a expliqué avoir besoin de plus de temps, car il s'agit d'une décision délicate. Contrairement à ce qui était pressenti, le verdict de ce procès ne devrait donc pas être rendu mercredi, mais à une date ultérieure.

Manifestation à Berne

C'est lors d'un rassemblement en faveur de la démocratie en Turquie que des participants ont brandi la banderole controversée. Cette manifestation autorisée, qui rassemblait des milliers de personnes, avait été organisée par des associations kurdes, le PS et les Verts ainsi que d'autres groupements.

La banderole avec l'inscription 'Kill Erdogan with his own weapons' ('Tuez Edogan avec ses propres armes') aurait été introduite dans la manifestation par un groupe d'environ 150 personnes parties du centre culturel alternatif de la Reitschule. L'on pouvait aussi voir la tête du président turc avec un pistolet pointé sur lui.

Les organisateurs avaient rapidement pris leurs distances avec cette action et n'ont pas été poursuivis. Un mouvement intitulé 'Bern Revolutionary Youth Group' a revendiqué la responsabilité de la banderole. La Turquie a protesté le même jour auprès du Département fédéral des affaires étrangères (DFAE) et exigé une enquête.

Opposition aux ordonnances pénales

Les quatre activistes comparaissent devant le juge du Tribunal régional Berne-Mittelland, car ils ont contesté l'ordonnance pénale prononcée il y a une année environ. Dès le lendemain de cette manifestation à Berne, le Ministère public avait ouvert une enquête pénale pour soupçons d'appel public au crime ou à la violence.

Le Département fédéral des affaires étrangères (DFAE) a été dispensé de comparaître. Le juge a rejeté une requête en ce sens demandant que des collaborateurs soient entendus comme témoin. La défense a affirmé que le DFAE s'était renseigné à six ou sept reprises auprès du Ministère public pour connaître l'état de la procédure.

Pour les avocats de la défense, le DFAE aurait ainsi pu influencer la procédure. 'Le tribunal n'a jamais été contacté par le DFAE et ne se sent absolument pas influencé', a répondu le juge. Le magistrat a ajouté que la procédure pénale avait été ouverte avant que le DFAE ne se soit renseigné auprès du Ministère public bernois.

Le procès sur deux jours se déroule dans un climat particulier, les accusés ayant annoncé leur intention de lui donner 'un contenu politique', selon leur comité de soutien. Les cercles alternatifs et autonomes à Berne soutiennent l'opposition en Turquie et les mouvements kurdes.

Avant le début du procès, une cinquantaine de sympathisants des accusés s'étaient rassemblés devant le siège du tribunal qui était placé sous protection policière. Des agents sont intervenus pour saisir une pancarte hostile au président turc Erdogan.

Procès dans des conditions spéciales

Ce procès se déroule dans des conditions particulières. Le public est exclu des débats en raison des mesures contre la pandémie. Mais les quatre accusés ont été autorisés à faire entrer dans la salle d'audience chacun trois personnes de confiance de leur choix.

Les représentants des médias ont eux dû s'engager à ne pas divulguer les noms des personnes impliquées ou à donner toute information qui permettrait d'identifier les témoins ou les accusés au risque de s'exposer à des accusations d'insoumission à une décision de l'autorité.

La section suisse de Reporters sans frontières s'est élevée contre ce procédé qu'elle juge totalement inhabituel et contraire à la liberté de la presse comme à la nécessaire transparence de la justice dans une société démocratique.

/ATS