Suisse

Deux types de mâles reproducteurs chez certains poissons cichlidés

09.02.2023 16h03

Deux types de mâles reproducteurs chez certains poissons cichlidés

Un nid de coquilles d'escargots vides, avec un mâle territorial géant à droite, une femelle en train de pénétrer dans une coquille au centre, et un mâle "parasite" nain à gauche.

Photo: Université de Berne/Sabine Wirtz-Ocana

Chez certains poissons cichlidés du lac Tanganyika, il existe deux types de mâles, les nains et les géants, qui produisent à leur tour des mâles nains et géants. Des scientifiques des universités de Berne et de Graz (A) ont identifié la mutation génétique en cause.

La différence de taille entre les mâles et les femelles est un phénomène largement répandu dans le monde animal. Le cichlidé conchylicole (Lamprologus callipterus) du lac Tanganyika en est l’exemple parfait sachant que chez cette espèce de poisson, les mâles sont douze fois plus gros et plus lourds que les femelles.

C'est tout à fait logique étant donné que les grands mâles amassent des coquilles d’escargots vides en guise d’habitats. Les petites femelles y trouvent refuge et y élèvent leur progéniture, a indiqué jeudi l'alma mater bernoise dans un communiqué.

Cette espèce présente toutefois une autre particularité, à savoir un second type de mâle qui, en raison de son nanisme, est capable de se glisser dans les coquilles pour féconder les œufs des femelles. Les petits cichlidés mâles ont ainsi développé une stratégie alternative pour réussir à engendrer des descendants en tant qu’intrus sur le territoire des mâles géants.

Taille déterminée par le géniteur

Jusqu’ici, les scientifiques savaient qu’un mâle nain ne pouvait engendrer qu’un mâle nain et qu’un géant ne pouvait donner vie qu’à un géant, tandis que ces deux types de mâles produisaient des femelles d’une taille quasi équivalente. La taille des mâles est donc déterminée par le géniteur.

'Nous avons dû, dans un premier temps, identifier les régions déterminant le sexe dans le génome de cette espèce, car ces cichlidés n’ont pas de chromosomes sexuels bien identifiables', explique Pooja Singh, première auteure de l’étude, citée dans le communiqué. Les scientifiques ont trouvé une très petite région qui différait entre les mâles et les femelles.

'Bien que les géants et les nains présentent le même facteur de masculinité, cette région se différencie dans le détail: en zoomant, nous y avons trouvé le gène commutateur GHRHR, que l’on connaît déjà des mammifères. Il sert de régulateur d’hormones de croissance, et des mutations de ce dernier sont à l’origine de phénomènes de nanisme également chez l’être humain et d’autres mammifères', indique la co-auteure Catherine Peichel.

Un très ancien gène

Ce gène de nanisme remonterait à plus de 440 millions d’années et existait donc avant même la conquête de la terre ferme par les tétrapodes. Dans le cas des cichlidés, un ancien gène de taille est donc associé à un nouveau chromosome sexuel.

Quant à savoir qui était là en premier, l'équipe de recherche pense qu’il s’agit des géants, car l’ensemble du système de reproduction repose sur la capacité de construction d’un habitat à travers la collecte et l’accumulation de coquilles d’escargots vides, et sur la défense de cet habitat.

'Les nains ont alors pu naître d’une mutation ponctuelle du gène commutateur et sont parvenus à s’établir à travers leur tactique de reproduction parasitaire', conclut le co-auteur Michael Taborsky. Ces travaux sont publiés dans la revue Molecular Ecology.

/ATS