Suisse

L'association vaudoise Astrée recense 25 nouvelles victimes par an

31.01.2022 14h18

L'association vaudoise Astrée recense 25 nouvelles victimes par an

La grande majorité des victimes de traite recensées l'an dernier dans le canton de Vaud venait du monde de la prostitution (archives).

Photo: KEYSTONE/JEAN-CHRISTOPHE BOTT

Pionnière en Suisse, l'Association vaudoise de soutien aux victimes de traite et d'exploitation (Astrée) tire un premier bilan après sept ans d'existence. Depuis sa création, elle s'est occupée de 136 victimes et détecte désormais en moyenne 25 nouveaux cas par année.

Même si ces chiffres ne représentent que 'la pointe de l'iceberg' en matière de traite des êtres humains, le travail initié par Astrée permet de 'briser le silence' et de 'rendre visibles ces destins tragiques', a relevé lundi devant la presse la conseillère d'Etat Rebecca Ruiz. Avant la création de l'association, le canton ne recensait que 2 à 3 victimes par année.

Sur les 87 victimes suivies l'an dernier, la majorité (75%) était victimes de prostitution forcée et originaire d'Afrique (79%). Ces statistiques ne correspondent toutefois qu'aux victimes répertoriées par Astrée, a précisé l'une de ses codirectrices, Anne Ansermet. 'Il est impossible de dire ce qu'il en est dans la réalité', a-t-elle dit.

La responsable a expliqué que la détection de cas de traite était 'très compliquée', particulièrement dans des secteurs comme la construction ou la restauration. Il est aussi difficile d'approcher des victimes issues de certaines communautés, notamment asiatiques. Il arrive également que certaines victimes refusent de se faire aider, 'trop effrayées' par ceux qui les exploitent.

Pour améliorer la détection, Astrée mise sur la sensibilisation des potentielles victimes (migrants, milieu de la prostitution) et la formation des professionnels de terrain. Cela peut être des policiers, des inspecteurs du travail, des collaborateurs de centres d'aide aux victimes (LAVI) ou d'associations comme Fleur de Pavé.

Condamnations encore rares

Astrée propose des entretiens aux victimes présumées pour tenter de 'libérer la parole', a raconté son autre codirectrice Angela Oriti. Lorsqu'une situation de traite est avérée, une prise en charge est proposée. Cela va de l'hébergement au suivi de santé en passant par l'aide administrative.

Un accompagnement est aussi proposé sur le plan judiciaire. L'an dernier, 46 procédures pénales étaient en cours, contre seulement 5 en 2015 lors de la création d'Astrée.

Même si les condamnations sont encore rares, elles commencent gentiment à tomber. Les responsables de l'association ont mentionné le cas d'un passeur nigérian, condamné en mars 2021 à quatre ans et demi de prison pour avoir forcé deux compatriotes mineures à se prostituer. 'Le phénomène est relativement nouveau pour le monde judiciaire, qui a aussi besoin d'être sensibilisé', a continué Angela Oriti.

Dispositif unique en Suisse

Si le canton de Zurich, et dans une moindre mesure ceux de Genève et du Tessin, proposent un soutien aux victimes de traite, Vaud est le seul à disposer d'une structure aussi complète, a souligné Rebecca Ruiz. Ce dispositif est d'autant plus novateur qu'il est financé presque exclusivement (à 95%) par l'Etat de Vaud, avec 1,4 million de francs de subventions annuelles.

Astrée est née à la suite d'une interpellation en 2012 devant le Grand Conseil du député socialiste Jean Tschopp. Outre ses deux codirectrices, l'association basée à Lausanne emploie actuellement huit intervenants sociaux, sept 'veilleuses' et une secrétaire sociale. Son foyer est ouvert 24h/24.

/ATS