Suisse

Le commandant libérien accusé de crimes contre l'humanité

11.01.2023 11h20

Le commandant libérien pourrait répondre de crime contre l'humanité

Le Tribunal pénal fédéral se penche en appel sur la condamnation à 20 ans de prison de l'ancien commandant libérien Alieu Kosiah (archives).

Photo: KEYSTONE/Pablo Gianinazzi

Le procès en appel d'un ex-commandant libérien condamné en 2021 pour crimes de guerre s'est ouvert devant le Tribunal pénal fédéral. Si la défense conteste la quasi-totalité du verdict, l'accusation demande une extension au grief de crimes contre l'humanité.

L'accusé, vêtu d'un costume noir, s'est présenté en compagnie de son avocat, Dimitri Gianoli. Agé de 47 ans, le commandant Alieu Kosiah est détenu en préventive depuis 2014. Me Gianoli a demandé d'emblée l'audition de nouveaux témoins afin de démonter une partie des faits reprochés à son client. Le président de la Cour d'appel, Olivier Thormann, a indiqué que la question des auditions sera tranchée à l'issue de la procédure probatoire.

Crimes de guerre ou contre l'humanité

Une éventuelle extension au grief de crimes contre l'humanité avait été évoquée par les avocats des plaignants lors des débats de première instance qui s'étaient déroulés entre décembre 2020 et février 2021. La Cour des affaires pénales ne s'était pas prononcée sur la question et avait retenu les crimes des guerres, également imprescriptibles.

La requête revient maintenant sur la table à la suite d'une décision de la Cour des plaintes du Tribunal pénal fédéral. En septembre 2021, cette instance a enjoint le MPC de procéder sous l'angle des crimes contre l'humanité dans le cadre de l'enquête sur l'assassinat de l'opposant iranien Kazem Radjavi, assassiné par les services secrets en 1990 à Coppet (VD).

Outre l'aspect jurisprudentiel pour d’autres affaires à venir, la décision qui sera rendue pourrait avoir une influence sur la libération conditionnelle en cas de condamnation. Alors que les crimes de guerre sont sanctionnés par 20 ans de réclusion au maximum, une peine à vie peut être prononcée pour crimes contre l’humanité. Il en résulte que le condamné pourra sortir de prison après avoir purgé les deux tiers de la sanction dans le premier cas – soit après un peu plus de 13 ans – ou après 15 ans dans le second.

Viol, meurtre et pillage

L'après-midi a été consacrée à l'audition d'une femme qui a accusé le commandant de l'avoir violée lors du pillage de son village. La plaignante s'est exprimée en loma, un dialecte du nord-ouest du Libéria, au travers d'un interprète. Elle a raconté comment des villageois, parmi lesquels son père et son frère, avaient été emmenés et tués à proximité par les hommes de 'général Kosiah'.

En larmes, la femme a expliqué qu'elle avait été emmenée par un enfant soldat dans une maison et forcée à plusieurs reprises par l'accusé alors qu'elle était vierge. Tout l'interrogatoire s'est déroulé en l'absence de l'accusé qui a suivi les échanges par vidéo depuis une autre salle. Elle l'a cependant formellement identifié sur l'écran.

Différences culturelles

Invité à s'exprimer sur ces accusations, l'accusé a attiré l'attention du tribunal sur les différences entre le Libéria et la Suisse ainsi que les difficultés à rendre la justice. Selon lui, il lui est très difficile de contester les affirmations d'une personne qu'il n'aurait jamais vue. 'C'est au procureur de prouver que cette personne m'a rencontré, pas à moi'.

Alieu Kosiah a tenté de discréditer Me Alain Werner, le directeur de Civitas Maxima, l'organisation qui l'a retrouvé en Suisse. 'Vous connaissez la réputation de Me Werner au Libéria? Tout le monde sait que c'est le chef d'une organisation criminelle qui cherche à faire de l'argent.'

La procédure de première instance s'est déroulée entre décembre 2020 et février 2021 devant la Cour des affaires pénales. La condamnation du prévenu à 20 ans de réclusion pour crimes de guerre est tombée quatre mois plus tard. Le tribunal s'était aligné sur les réquisitions du procureur, tout en abandonnant quatre des 25 chefs d’accusation. Il ne lui a reconnu aucune circonstance atténuante.

/ATS