Suisse

Les institutions de recherche mettent en garde contre l'initiative

13.01.2022 11h52

Les institutions de recherche mettent en garde contre l'initiative

Photo: KEYSTONE/GAETAN BALLY

Les institutions publiques de recherche académique mettent en garde contre un 'oui' à l'initiative pour l'interdiction de l'expérimentation animale et humaine, en votation le 13 février. Celle-ci constitue un frein au progrès, à l'innovation et à la formation.

L'acceptation de l'initiative entraînerait de facto une interdiction de la médecine et de la recherche, ont prévenu jeudi devant les médias des personnalités issues de swissuniversities, du Conseil des EPF, de l'association Médecine Universitaire Suisse, du Centre de compétence suisse 3R, de Jeune Académie, du Fonds national suisse (FNS), de Swissfaculty ainsi que des Académies suisses des sciences, qui ont relevé l'aspect exceptionnel de cette prise de parole conjointe.

Un 'oui' à l'initiative empêcherait notamment la recherche biomédicale et l'usage de nouveaux traitements médicaux, estiment les opposants. La qualité élevée des soins de santé et la recherche 'responsable' menée en Suisse pour le bien de la population et de l'environnement sont ainsi en jeu.

Des expériences 'nécessaires'

'Il n'y a pas de nouveaux médicaments sans expérimentation animale et sans études cliniques, même si des recherches intensives sont menées pour trouver des alternatives', a relevé Michael O. Hengartner, président du Conseil des EPF. Toutes les expériences sur les animaux ne peuvent toutefois pas être remplacées et restent nécessaires, comme l'a montré la recherche sur les vaccins contre le Covid-19.

Aux yeux d'Yves Flückiger, président des hautes écoles swissuniversities, l'initiative est malveillante: 'elle positionne la recherche comme potentiellement constitutive d'un crime. Or, les chercheurs en Suisse travaillent avec les plus hautes exigences éthiques et professionnelles'. La Suisse dispose de l'une des législations les plus contraignantes au monde, a-t-il rappelé.

En acceptant l'initiative, le pays serait le seul à appliquer l'interdiction de l'expérimentation animale, ce qui l'isolerait, a-t-il encore relevé. Cela signifie par exemple que le vaccin contre la grippe, qui sauve des centaines de vies chaque année, serait disponible partout sauf en Suisse, a abondé Bertrand Levrat, président de Médecine Universitaire Suisse et directeur des HUG.

Qualité des soins en jeu

L'accès des patients aux nouvelles thérapies serait en outre entravé, a-t-il ajouté. 'L'interdiction d'importer des médicaments développés à l'étranger au moyen d'expérimentations animales signifierait que les hôpitaux ne pourraient plus traiter leurs patients avec de nouvelles thérapies efficaces'.

Cela représenterait un recul extrêmement fort pour la qualité des soins en Suisse, a encore précisé M. Levrat. 'Le risque est donc de se retrouver face à une médecine à deux vitesses: les personnes qui en ont les moyens iront se faire soigner à l'étranger'.

Ce recul aurait également un impact sur les étudiants en médecine. Ces derniers commenceront leur carrière avec un retard considérable sur le plan international au vu du frein que connaîtra la recherche suisse en cas de oui le 13 février, a ajouté un membre de l'association suisse des étudiants en médecine (Swimsa).

Inscription dans la Constitution

Lancée en 2017 par des citoyens saint-gallois, l'initiative veut inscrire l'interdiction inconditionnelle de l’expérimentation animale dans la Constitution. Les nouveaux produits développés en recourant à l'expérimentation animale ne doivent en outre plus pouvoir être importés.

Parmi les soutiens à l'initiative populaire figurent environ 80 organisations et entreprises, des représentants du PS et des Verts ainsi que des groupes de protection des animaux et des partis animaliers. La Protection suisse des animaux (PSA) n'en fait pas partie.

Le Parlement a recommandé le rejet de l'initiative sans une seule voix favorable. Le Conseil fédéral la rejette également.

/ATS